critique &
création culturelle

Une nuit au Fifty Lab

Du 12 au 14 novembre, le Fifty Lab était de retour pour sa sixième édition. Essaimés dans quatre lieux emblématiques ‒ Boursebeurs, Ancienne Belgique, Beursschouwburg et Madame Moustache ‒ plus d’une soixantaine de showcases ont fait vibrer la capitale. Retour sur les temps forts de la troisième soirée.

Dernière date : la soirée du vendredi 14 novembre 2025 en détails.

Premières étincelles

Munie de la timetable et de mes mocassins fétiches (je ne dirai jamais non à 3 cm supplémentaires), j’attaque sans tarder la troisième soirée du Fifty Lab. La nuit s’annonce aussi dense qu’un programme de festival peut l’être, où chaque déplacement devient un petit sprint chronométré. L’ouverture des hostilités se fait à l’AB Club avec Tussy, rappeur originaire de Rance. Si la proposition transporte clairement une partie du public, je dois bien admettre rester à quai : punchlines un peu téléphonées et flow qui se délite trop vite pour marquer un véritable départ de soirée.

Pas de quoi refroidir l’élan toutefois, puisque j’enchaîne avec Julien Fillion au Beurs Café, dont le jazz en technicolor m’avale dès la première mesure. Arrivée en plein vol – chevauchement de planning oblige – je me fais happer par cette formation bicéphale aux deux batteries, une basse et un souffle solaire : une musique ample, vive, groovy, qui redonne immédiatement de l’allant. Une parenthèse lumineuse avant de replonger dans le marathon nocturne.

Courant alternatif

Je descends ensuite au Basement de la Bourse pour rejoindre Pyo, qui propulse la soirée dans une autre atmosphère : post-punk nerveux, accents shoegaze parfaitement maîtrisés, néons et sueur pour éclairage principal. Son énergie – oscillant quelque part entre spleen tendu et urgence dansante – donne au set un caractère à la fois introspectif et incandescent. Et puisqu'il serait dommage de repartir sans un souvenir sonore, je note mentalement d'ajouter « Midnight Sunlight » à ma playlist du moment. Un titre qui condense parfaitement cet alliage d'angoisse lumineuse et d'élan adolescent, idéal pour nourrir le syndrome du personnage principal en rentrant de soirée.

Puis, direction la Golden Space du Beursschouwburg. Nouveau changement de dimension avec Jeanna Criscitiello, véritable ovni artistique qui flotte en dehors des catégories usuelles. Une performance étrange, douce, viscérale, un peu Björk, un peu rituel, entièrement libre. Je ne saisis pas tout, mais ça fait du bien : ce genre d’intermezzo hors-sol qui redonne du souffle dans une soirée déjà riche en contrastes.

Dernière décharge

Retour final à la Bourse, cette fois dans l’Agora, pour Ela A, que j’attendais avec un enthousiasme presque potache après avoir poncé son nouvel EP Pixel ces derniers jours. Et l’attente se transforme en réjouissance pure : présence scénique affirmée, voix impeccable, énergie communicative — the mic is very much on. Coup de cœur pour la version live de « Con le mie G », ode à la sororité, le plus doux « X Te » pour les loveuses du dimanche, et « Cielo Grigio », petite leçon d’ego trip en featuring avec le Français NeS — kickeur à suivre de près également. Une chose est sûre : la meilleure rappeuse italienne vient de Suisse.

La salle chauffe encore davantage pour Ino Casablanca, dont le concert est sans doute l’un des plus prisés de la soirée : ça s’agglutine, ça monte en température, ça vibre fort. Un petit souci de son brouille les premières minutes, mais l’intensité reprend vite le dessus, confirmant l’aura de l’artiste dont toutes les personnes autour de moi semblent connaître les textes par cœur.

La soirée pourrait se prolonger à la Grünt Afterparty, mais je rends les armes. Je rentre avec la sensation délicieuse d’avoir beaucoup vu, beaucoup entendu, beaucoup vibré — et un peu trop fait la file aussi. Mini bémol sur la gestion des flux, qui donne parfois l’impression d’être en cosplay sardine (au fond de cette boîte). Mais qu’importe : l’essentiel est là. Une soirée riche, dense, vivante, fidèle à ce que le Fifty Lab sait faire de mieux : surprendre, débusquer, et nous rappeler que la création musicale continue d’éclore là où on s’y attend le moins.

Au-delà de cette troisième soirée, le Fifty Lab continue surtout d’affirmer ce qui fait sa force : un radar affûté, une lecture précise des scènes émergentes, et une capacité rare à fédérer publics et professionnel·les autour d’expériences qui comptent. Un rendez-vous devenu incontournable pour saisir ce qui se joue aujourd’hui — et ce qui s’inventera demain.

La prochaine édition est prévue du 11 au 13 novembre 2026. Pour rester au courant de la programmation rendez-vous sur FiftyLab.eu

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