Auréolé d’or aux récents Globes, le dernier Chazelle fait des étincelles. Ça paillette de partout. Ça suave l’amour fou. Ça crystale dans les étoiles.
Auréolé d’or aux récents Globes, le dernier Chazelle fait des étincelles. Ça paillette de partout. Ça suave l’amour fou. Ça crystale dans les étoiles.
Le jeune trentenaire de réalisateur a d’ailleurs tenu à filmer comme à l’époque, en longues séquences nécessitant une maîtrise totale par les acteurs de leurs performances scéniques. Ce qui explique le travail d’arrache-pied de Ryan Gosling pour apprendre à jouer au piano assez parfaitement pour pouvoir assurer le show directement sur le plateau (pendant que Maman Mendez pouponnait à la maison, on le saura maintenant – so cute , pour certains ; so sexist pour d’autres).
Le résultat est époustouflant de maîtrise, avec des scènes d’une ingénierie admirable en termes de mise en scène. Celle d’ouverture est sans doute la plus impressionnante à cet égard, qui n’est pas sans rappeler la première scène de 8 ½ de Fellini, dans un autre genre. Soit des embouteillages sur l’autoroute. Sous un soleil de plomb (Los Angeles en été), les bouchons. Ça klaxonne, ça bouchonne, puis soudain ça chantonne et ça farandole à (très) grands renforts de danseurs solaires, avec une chorégraphie chatoyante et au passage – par le truchement de l’autoradio de Mia (Emma Stone), un clin d’œil à la costumière Sandy Powell. Bref, un début en fanfare qui fait du bien aux yeux, un tourbillon glycosylé qui ne laisse pas indifférent.
La nostalgie, Sebastian (Ryan Gosling) la porte aussi en lui. Pianiste jazzeux désargenté, il caresse le rêve de rouvrir une ancienne boîte de jazz devenue boîte à tacos/samba entre-temps. Du coup, il joue de la musique d’ascenseur dans des restaurants léchés où personne ne l’écoute, le tout sous le contrôle tyrannique du Boss (J. K. Simmons, encore lui), et, à ses moments perdus, accompagne au synthé un groupe pop animant les parties où personne ne les écoute. Sa rencontre avec Mia, sans bouleverser ses plans, va quelque peu ensoleiller son horizon embouché. Mia, elle, ambitionne de devenir actrice à Hollywood. Du coup, elle est serveuse dans un café de la Warner et enchaîne les castings foireux pour des rôles tout aussi foireux.
Ces deux trajectoires chaotiques vont se croiser et se décroiser au son entraînant des compositions de Justin Hurwitz, déjà commis à la bande originale de Whiplash et ami de longue date de Chazelle. Le pitch n’est pas des plus originaux, le thème on ne peut plus hollywoodien (s’accrocher à ses rêves pour qu’ils se réalisent, quand on veut, on peut, tout ça) mais la fin vaut le détour par les salles de cinéma. Le duo Stone/Gosling marche du tonnerre. On est presque soulagés qu’Emma Watson et Miles Teller aient préféré de plus grosses productions, tant les partenaires de Crazy, Stupid , Love et Gangster Squad composent ici un couple au naturel rafraîchissant.
Signe des temps sombres actuels, La la Land affiche déjà au compteur un succès public et critique phénoménal. On ne compte plus les récompenses reçues par l’équipe, pressentie comme favorite aux Oscars prochains. L’affiche, peu chargée au départ, croule sous les éloges journalistiques. L’engouement rattrape évidemment les spectateurs, comme remède d’une nouvelle grande dépression, à l’instar du premier boom des comédies musicales à l’entrée des années 1930. Plus qu’un hommage appuyé au genre, c’est un film sur le septième art qu’a concocté le diplômé de cinéma d’Harvard, tout en marshmallow comme le veut la tradition hollywoodienne, au panthéon de laquelle Damien Chazelle compte bien se hisser.
Que l’on n’oublie pas pour autant les comédies musicales d’antan, dont les meilleures d’entre elles ( Singing in the Rain , The Band Wagon , pour n’en citer que deux) savaient mettre en scène des chorégraphies endiablées, dont le corps, l’élégance, l’ambition et la sensualité restent toujours indépassés.