Il y a un mois, l e Bruit des loups , mis en scène par Étienne Saglio, était joué à l’Aula Magna. Stimulant un imaginaire mêlé de rêve et de réalité grâce à une scénographie stupéfiante, ce conte scénique éveille la nostalgie de l’enfance et questionne notre rapport à la nature.
Silence, le spectacle va commencer. Sur scène, se dévoile un homme au centre d’une pièce épurée avec pour seule décoration quelques plantes qui, très vite, inquiètent la tranquillité de cet endroit détaché. Le personnage ne parle pas, mais communique son agitation. Il balaye inlassablement une nature indomptable, qui, dans cette pièce, ne cesse de se manifester. Pourtant, en y regardant de plus près, celle-ci semble juste croître dans un espace humanisé qui, à première vue, ne lui semble pas destiné.
Au loin, une porte se remarque. Elle ouvre sur un monde imaginaire. Au cours de la pièce, le personnage ne cessera de naviguer entre ces deux lieux : passant d’une pièce intérieure à une forêt grandiose.
Le Bruit des loups fait paradoxalement peu de bruit. Aucun acteur ne dialogue. Des animaux vont et viennent, se faufilent sur la scène, mais on ne retient que la distinction de leur passage. La nature, quant à elle omniprésente, est notamment suggérée par des bruissements du vent : un coup de vent ébouriffe même réellement les spectateurs à un certain moment. Parfois, des mélodies au piano soulignent l’atmosphère : elles apportent une certaine mélancolie, aux accents quelques fois inquiétants. Cette pièce de théâtre a indéniablement un aspect sensoriel : quand on quitte son siège, on a l’impression d’avoir été prendre l’air.
Immersif et surprenant, cette œuvre nous saisit sans cesse. La scénographie n’est jamais fixe et se construit avec magie. Des éléments apparaissent et disparaissent à une vitesse folle sans que le spectateur ne comprenne comment. On se lève de son siège pour s’assurer qu’une souris vient de surgir au milieu de la scène, on se surprend à voir les carrelages du sol se craqueler, on se demande comment le petit homme du monde imaginaire est devenu, sans transition distincte, l’adulte de la première scène. On est captivé, sans voix et stupéfait.
À la fin de la représentation, on se questionne sur notre rapport à la nature. Les messages sont suggérés par des métaphores scéniques : comme lorsque l’homme, agité dans sa pièce épurée, mange la souris pour s’en débarrasser, une image proposant une réflexion sur nos consommations animales. Certes, le spectateur reste, au premier abord, imprégné des effets spectaculaires, mais on comprend que l’objectif est bien de dépeindre un lien ambigu à la nature : celle-ci étant, sur certains points, une alliée et sur d’autres, une entité hostile.
Les choix de mise en scène et de scénographie d’Étienne Saglio éveillent très clairement une âme d’enfant en renvoyant à des références précises, notamment celles des contes. L’homme de petite taille est par exemple accompagné par un personnage qui a l’allure d’un ogre. Mais voilà les applaudissements… Je tourne les yeux : à gauche, ceux d’un enfant brillent et, à droite, ceux d’un adulte. Le spectacle les a tous deux convaincus et, d’une certaine manière, réunis et c’est là que réside toute sa magie.