Suite à la mort de son amie, Elisabeth questionne le monde qui l’entoure pour essayer de le comprendre et de se construire. Sous une table, elle analyse les conversations et les gestes, elle interroge ses souvenirs, elle assemble les indices qui lui ont été révélés. Dans son mutisme, elle trouve la vérité.
Les dessous de Béatrice Kahn donne rendez-vous au lecteur le 22 août 1963, sous une table du café Le Central. On y rencontre Elisabeth, une jeune fille de quatorze ans qui vient d’enterrer son amie Thérèse. Les personnes qui étaient présentes à l’enterrement sont en train de discuter à table pendant que celle-ci analyse les gestes et les paroles qu’elle peut percevoir de sa cachette. Elle porte un regard interrogateur sur ce monde d’adultes dont elle ne saisit pas encore les conventions.
Elisabeth est un personnage muet. Le lecteur l’accompagne dans ses pensées, ses souvenirs, ses réflexions, mais n’assiste jamais à une prise de parole. Toutefois, le récit retrace le cheminement de cette jeune fille qui commence à se détacher de l’insouciance tout en se questionnant sur la nouvelle perception du monde qui se présente à elle. Elle cherche à comprendre comment celui-ci fonctionne tout en y cherchant sa place. Dans son mutisme transperce le besoin d’être quelqu’un que l’on prend en compte.
Le plus doucement possible, j’essaye de dégager du dessous de la table ce quelque chose de lisse et de soyeux qui y est collé. Cela ressemble à une étiquette. S’ils étaient moins occupés à parler du retard pris par la France dans le développement du téléphone automatique, ils entendraient mes légers grattements.
Elle s’interroge également sur la relation qu’elle entretient avec sa mère, une femme débordante qui lui reproche l’absence d’un père. Elisabeth est une adolescente en quête d’identité qui essaye de s’identifier aux personnes qui l’entourent. Le lien compliqué qu’elle entretient avec sa mère lui fait chercher des points de repères dans l’ailleurs et notamment auprès de Thérèse. Toutes deux remettent leur contexte familial en question. Elles s’étaient d’ailleurs échangé le journal intime d’Henriette pour lequel Elisabeth semble avoir une fascination. Dans celui-ci, on découvre la vie de cette jeune fille qui est elle-même en train de se construire, mais cela au temps de l’avant-guerre. Y est relaté sa vie de famille, ses amours, ses déchirements, ses réflexions. S’entremêlent ainsi les histoires de ces trois filles en quête de vérité et de leur identité. Ce journal a également un rôle déterminant car il contient des informations qui délient les non-dits qui circulent entre les personnages.
Toutes les trois, nous sommes reliées par quelque chose d’invisible mais de puissant. Nous sommes trois soeurs, sans parenté peut-être, mais qu’est-ce que la parenté a à voir avec l’amour ?
Ce n’est qu’au fur et à mesure de l’avancement du récit que l’on apprend ce qui se joue. D’autres informations restent néanmoins sans réponses. Le texte de Béatrice Kahn n’est pas toujours simple, car tout n’y est pas clairement explicité. Les relations humaines de l’époque de l’avant et de l’après-guerre y sont dépeintes tout comme la construction de ces trois jeunes filles en quête de sens. Dans ce récit, l’ordre combat le désordre, le langage cherche une bouée de sauvetage, et une jeune fille découvre, construit, mais surtout grandit.