Un narrateur anonyme écrit un mail à son ancienne camarade d’université. Il raconte que Tolü, également un camarade d’université, a découvert dans sa cour arrière une créature étrange, inconnue mais possédant néanmoins un ADN humain. Cet être vivant, à l’allure globale d’un être humain, possède de nombreuses malformations et difformités : sa peau semble être du cuir noir très dense, il n’a pas d’oreilles ni de menton, il a une bouche très fine sans lèvres ni dents. La créature possède des yeux rouge et vert, mais surtout, elle s’exprime dans une langue incompréhensible.

Au fil de la description, nous comprenons que cette créature est un être humain dont le corps, le mode d’alimentation et de communication s’est adapté aux ExTLM, Extra-Terrestrial Landfill Module, autrement dit le regroupement de déchets et débris aérospatiaux sur orbite géostationnaire. Ainsi, cet être devient l’image pessimiste du produit de notre société de consommation. Un être humain pollué par les déchets radioactifs, qui ne cessent de s’entasser au fur et à mesure que notre planète produit.

Cette nouvelle issue du recueil L’ombre et autres reflets écrit par Daniel De Bruycker, met le doigt sur une thématique brûlante : l’éco-anxiété. Pour pallier les crises environnementales, divers médias sont mobilisés, tels que la littérature. D’une part, celle-ci peut dénoncer la crise. C’est ce qu’entreprend Daniel De Bruycker en érigeant une figure symbolique de l’être humain dont le corps et la vie sont conditionnés par les déchets, débris, que lui-même a créés. Prendre la littérature comme outil de dénonciation n’est pas nouveau. En effet, elle a toujours répondu présente au moment des crises passées. Il suffit de jeter un œil sur l’histoire littéraire pour le constater : la littérature postcoloniale dénonce la colonisation, les mouvements surréalistes et dadaïstes répondent aux traumatismes de la première guerre mondiale, etc. Dans cette nouvelle, l’auteur dénonce notre société surconsommatrice et créatrice de pollution et déchets qui détruisent la planète. La créature est « un prototype spontané de ce qu’il nous faudra devenir un jour pour survivre ».

D’autre part, la littérature peut se révéler un refuge, un réconfort face à la crise. Elle permet ainsi de ne pas tomber dans le défaitisme, et invite les lecteurs et lectrices, à l’instar du narrateur, à « rêver encore un peu ».