Macc(h)abées
Florilège de derniers souffles
Brutale, terre à terre et criante de vérité, la pièce de théâtre dansée Macc(h)abées incarne un rappel à l’ordre implicite et universel : notre inévitable finitude. Sans un mot, Sophie Warnant parvient à exorciser notre date d'expiration dans toute sa complexité corporelle.
Après six années de recherches préliminaires autour de la fin de vie, Sophie Warnant (Cie du Sujet Barré) incarne la mort plurielle au théâtre en présentant Macc(h)abées1. Forte de son expérience « tout terrain », l'interprète et metteuse en scène donne vie à ses multiples observations : de l’euthanasie à la ligne de prévention au suicide, en passant par la thanatopraxie2, sans oublier ses rencontres avec des médecins, des psychologues et des patient·es. De ces immersions surgit une expérience crue et bouleversante.
Confrontation par le vide
D’emblée, la mise en scène interroge. Les gradins font face aux portes de sortie, tandis qu’un goutte à goutte perturbant, tout droit sorti du plafond, s’écrase sur un décor sobre. Celui-ci est composé de deux pierres en bord de scène, une robe blanche et des fleurs flottant dans un vase translucide. Sophie Warnant, enlève délicatement chacun de ses vêtements pour les plier avec précaution. Elle enfile ensuite la tenue immaculée et dispose le bouquet dans son bustier. Alors qu’un silence absolu règne dans la salle, l'actrice entame une interprétation brutalement réelle.
Aucun doute, la mort commence à l’habiter dans tout ce qu’elle peut révéler de plus vivant : gémissements, ahurissement, détresse, euphorie, dissonance, hurlements, résignation, espoir, perte de contrôle, soulagement, emprisonnement… Tantôt coordonnée, tantôt proche d’une myriade de gestes spontanés, l’exécution corporelle crée progressivement une danse macabre teintée de sursauts de vie.
Inspirer, expirer
Tourbillons de chutes en arrière, positions fœtales, caresses et gifles auto-administrées, dégoût et extase de soi… Chaque mouvement révèle une facette singulière du cheminement vers la fin de vie. Et au fil de cette valse funeste, la respiration prédomine : accélération, étouffements, apaisement.
Alors que le souffle remplace la parole, des pétales parsèment progressivement les planches. Une odeur de tulipe piétinée embaume l’espace, comme une échappatoire olfactive face au trépas imminent.
Le mot de la fin
Le souffle du public, quant à lui, est bel et bien coupé. Chacun·e contient ses réactions : incompréhension ? Malaise ? Surprise ? Lâcher-prise ? Identification ? Ou tout cela à la fois ? Finalement, il s’agit peut-être d’une envie réprimée. Le souhait silencieux que la représentation touche, elle aussi, à sa fin.
Alors, deux points de ruptures s’annoncent : d’abord, le goutte à goutte se transforme en pluie fine ; ensuite l’une des tiges laissée au sol est fracassée violemment entre deux pierres. Après une recomposition minutieuse, proche du rituel funéraire, Sophie Warnant se dirige vers la sortie. Des portes ouvertes surgit un éclairage aveuglant, sans doute la fameuse lumière au bout du tunnel ーquelques rires s’échappent enfin !