critique &
création culturelle
Magritte/Dalí
Ou la retrouvaille posthume de deux amis

À l’occasion de son 10ème anniversaire, le Musée Magritte accueille une exposition inédite, qui réunit deux grandes pointures de la peinture surréaliste : René Magritte et Salvador Dalí. Retrouvailles entre amis au Musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles jusqu’au 9 février.

Fin de la Première Guerre mondiale. L’Europe en sort meurtrie, souillée, encore sous le choc d’un profond bouleversement sociétal. La cruauté et la barbarie absurdes d’un tel conflit éveillent les esprits, génératrices de réactions subversives et de mouvements de révolte.

De ce chaos institutionnel émerge, entre 1924 et 1969, le surréalisme, l’un des plus complexes et des plus longs mouvements artistiques du XXe siècle. Ce dernier se caractérise par « le refus de toutes les constructions logiques de l’esprit et sur les valeurs de l’irrationnel, de l’absurde, du rêve, du désir et de la révolte » , tel que défini par André Breton dans le Manifeste du Surréalisme . Entre révolte et révolution, ce mouvement expérimental entend renverser les ordres établis.

Salvador Dalí, « Jaune d’Œuf Soleil » (1955)

René Magritte (1898-1967) et Salvador Dalí (1904-1989) occupent une place de choix au sein de cette mouvance surréaliste. Ils se rencontrent pour la première fois à Paris, en 1929, une relation féconde et admirative s’établissant entre les deux hommes. Tout au long de leur carrière, ils continueront à échanger et à partager leurs idées, des plus farfelues aux plus sauvages.

La réunion de leurs œuvres au Musée Royal apparaît comme une ultime rencontre posthume entre les deux surréalistes, redonnant souffle à chacune de leurs toiles exposées. La confrontation visuelle force à les comparer, eux deux qui pourtant présentent de nombreuses divergences émotionnelles et stylistiques.

Salvador DALÍ – « La tentation de Saint-Antoine » (1946) © © Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres / Photo : J. Geleyns – Art Photography

Dali est tourmenté, mué par des pulsions intérieures qu’il tente d’esquisser, de transmettre à travers ses toiles. Il est séduit par la psychanalyse freudienne. Ses représentations sont hallucinées et se perdent dans un tourbillon de symboles et de figurations colorées et polysémiques : chevaux difformes aux pattes gigantesques, montres molles, etc.

Magritte, quant à lui, opte pour un art déconstruit et sobre. Il se joue des formes, des contrastes, des couleurs en les rendant illogiques. L’intérieur devient l’extérieur, l’extérieur l’intérieur, il pleut des hommes vêtus de noir et non des gouttes.

Golconde – © DR – fondation René Magritte

Les deux hommes aspirent à semer le doute visuel, et, bien sûr, la zizanie. Tout au long de l’exposition, leurs œuvres laissent perplexes. Que veulent-elles dire ? Que signifie ce détail certes minimaliste mais qui pourtant donne à la toile tout son sens ? Là repose la quête surréaliste : battre en brèche l’arbitraire de la représentation réaliste et faire place à l’irréel.

En ce qui concerne l’exposition

Au total, une centaine de tableaux sont exposés dans plusieurs pièces communicantes. La visite est rapide voire même un peu trop courte de par le manque d’explications : on reste sur notre faim. Les célèbres toiles Ceci n’est pas une pipe et La Persistance de la mémoire ne sont pas présentes. Mais il est possible d’admirer La Tentation de Saint-Antoine .

Seule une dizaine de tableaux sont analysés avec une relative précision – dans un cahier imprimé distribué à l’accueil, ce qui ne facilite pas la tâche du visiteur lambda, baigné dans cette atmosphère surréaliste ésotérique.

Au fond, c’est cette absence de certitude (et de satisfaction) qui continuent à faire vivre les créations du Belge et de l’Espagnol. Elles continuent à intriguer. Leur potentialité (iconique et significative) n’a pas fini d’être exploitée, du moins, elle est encore à interpréter, et c’est précisément pour cela que Magritte et Dalí continuent à séduire et à attirer des milliers de curieux, amateurs comme touristes.

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