Matrix Resurrections
comme un air de déjà-vu…
18 ans après le dernier volet de la saga Matrix des sœurs Wachowski, les protagonistes Neo et Trinity reviennent pour une quatrième aventure au sein de la franchise : Matrix Resurrections . Mais ce nouvel opus, réalisé uniquement par Lana Wachowski, n’est pas une suite dont avait besoin la trilogie initiale.
Tout comme dans Matrix (1999), Matrix Reloaded (2003) et Matrix Revolutions (2003), nous suivons l’histoire de Thomas Anderson (Keanu Reeves). Jeune programmeur chez Metacortex dans le premier film de la saga, développeur de jeux vidéo intitulés Matrix chez Deus Machina dans le dernier, le protagoniste se sent perdu. En 1999, Thomas Anderson (plus connu sous le pseudonyme de Neo) trouvait que quelque chose ne tournait pas rond dans son monde alors qu’en 2021, nous le retrouvons perturbé et en consultation chez un psychiatre (Neil Patrick Harris).
Cependant, la comparaison ne s’arrête pas là. Un certain Morpheus1 (Yahya Abdul-Mateen II) contacte Thomas pour le confronter à un choix : prendre la pilule bleue (et rester dans une certaine insouciance) ou la pilule rouge (et découvrir la vérité). Tout comme dans Matrix (1999), Thomas refuse d’abord l’appel de Morpheus, ce qui engendre des conséquences dramatiques et la première rencontre avec l’Agent Smith (Jonathan Groff). Thomas prend finalement la pilule rouge et se réveille baignant dans un cocon dans le monde des machines. Les personnages qui l’entourent lui expliquent la situation et Neo part s’entraîner aux arts martiaux.
Le syndrome du chat noir
L’introduction de Matrix Resurrections présente exactement le même dénouement que le début de Matrix à quelques éléments près. Ceux qui ont déjà vu la saga connaissent l’histoire, mais pas de cette façon. Cette impression de déjà-vu est très explicite dans la réplique de Bugs (Jessica Henwick) dans les dix premières minutes du film : « Nous savons ce qui se passe ensuite (...), nous connaissons l'histoire (...) »
Cette sensation de déjà-vu est constante et est d’autant plus présente avec les divers flashbacks et références aux précédents Matrix . Ceci, afin d’amener une distance, un recul de 18 ans entre le quatrième film et la trilogie. En d’autres termes, Matrix Resurrection s se place comme œuvre méta, consciente de son statut de fiction, et considère la trilogie qui l’a précédée comme purement fictionnelle.
Les quatre R : renversement, relecture, réappropriation et résurrection
Néanmoins, Lana Wachowski ne se contente pas seulement de prendre du recul vis-à-vis des œuvres réalisées avec sa sœur. Elle les renverse pour en faire une relecture voire une réappropriation. « Ce n’est pas un reboot ou une régurgitation », comme il est dit dans le quatrième opus, mais bien une résurrection ainsi que l’indique son titre.
Le système mis en place dans la trilogie est renversé dans la version proposée en 2021. Le bullet time (cet effet visuel donnant cette sensation de ralenti voire d’arrêt au sein même d’une action) se sépare de toute fluidité pour devenir lourd et lent, la matrice a été totalement réencodée et la notion de protagoniste ne tourne plus autour de Neo qui manque de consistance, de force et de dynamisme.
Matrix Resurrections propose aussi une relecture des trois premiers films avec cette absence de focalisation sur un seul et unique protagoniste. Dans ce quatrième volet, il ne s’agit plus de Neo comme The One (l’Élu en français), mais bien d’une histoire d’amour entre Neo et Trinity. Un amour qui triomphe de tout avec non plus un mais deux protagonistes.
La suite ne ressemble pas vraiment à la trilogie sur notamment deux aspects. Les trois premiers films avaient une esthétique avec des effets verdâtres et des lumières artificielles. Le protagoniste était impassible et en plein contrôle de ses émotions. Matrix Resurrections quant à lui baigne dans une lumière blanche, lisse et naturelle et le personnage joué par Keanu Reeves a moins d’emprise sur ses émotions. Lana Wachowski s’est réapproprié la saga en la mettant au goût du jour, comme pour ses dernières réalisations avec sa sœur ( Cloud Atlas , Jupiter Ascending et Sense8 ). Cette réappropriation donne à la suite un aspect de produit hollywoodien assez superficiel visuellement et doté d’un personnage principal assez inconsistant.
Suite à ce renversement, cette relecture et cette réappropriation, Matrix 4 est une métaphore pas très subtile de la résurrection (ou de la renaissance) de Lana Wachowski face à son histoire en tant que transgenre. De manière plus simple, la notion de résurrection peut également être appliquée à cette franchise qui renaît après 18 ans d’absence.
Des gentils pas très dynamiques et des méchants pas très méchants
En dehors d’un scénario manquant d’originalité par sa réutilisation narrative et de sa conceptualité renversée et ré-appropriée, Matrix Resurrections n’a pas non plus réussi à convaincre par son casting.
Du côté des protagonistes, Keanu Reeves est mou et fade dans son jeu. Quant à Yahya Abdul-Mateen II, il n’a pas le charisme, la présence et la prestance de Laurence Fishburne qui incarnait le même personnage auparavant.
Par ailleurs, les méchants ne sont pas très méchants. Jonathan Groff qui joue l’Agent Smith est dans l’ombre de son prédécesseur, Hugo Weaving. Il n’incarne pas avec la même force l’Agent Smith et il aurait été préférable de ne pas faire de parallélisme entre les deux et de créer un tout nouveau personnage. Neil Patrick Harris (incarnant l’Analyste) a un jeu intéressant au début du film en tant que psychiatre puis retombe très vite dans ses habitudes à la Barney Stinson dans How I Met Your Mother .
Cela goûte la fraise, sans être vraiment une fraise…
Matrix Resurrections se veut appartenir à la franchise Matrix , mais se révèle être un film sans saveur qui ne marque pas les esprits. Nous ne comprenons pas la raison de l’existence de ce film en dehors d’une potentielle analyse psychologique pour Lana Wachowski et d’une initiation à une éventuelle nouvelle série de long-métrages. En se positionnant comme œuvre méta, Matrix Resurrections ouvre les possibles en considérant que la fiction peut toujours évoluer et être déconstruite. Bientôt lors d’un cinquième volet ? Si tel est le cas, nous prendrons la pilule bleue pour rester dans notre insouciance.