Nayola est un film d'animation réalisé par José Miguel Ribeiro qui raconte l’histoire de trois femmes angolaises aux prises avec la guerre civile qui a éclaté dans leur pays. Le long-métrage a été sélectionné comme film d’ouverture de la 42e édition du festival Anima , le festival bruxellois du film d’animation. Entre féminisme et mystère, Nayola se veut profondément actuel.
La 42 e édition du festival Anima (festival international du film d’animation de Bruxelles) aura lieu du 17 au 26 février prochains. Pour l’occasion, la rédaction de Karoo a été invitée à l’avant-première du visionnage du film d’ouverture, Nayola , un long-métrage du réalisateur portugais José Miguel Ribeiro réalisé en 2022 de concert avec des collaborateurs belges.
Nayola est un film contemporain qui évoque un conflit récent : la guerre civile en Angola. Il narre l’histoire de trois générations de femmes dont la vie a été frappée de plein fouet par la guerre et dont le destin est encore hanté par cet événement tragique.
Le dessin animé s’ouvre sur une époque révolue, après 1975 ‒ date du début de la guerre civile en Angola, juste après que les troupes portugaises se soient retirées –, lorsque Nayola (la fille), personnage principal, erre à la recherche de son mari disparu au combat, se perdant parmi plusieurs pistes sans vraiment savoir où elles mènent. Le mystère, l’inquiétude et le stress planent.
Dans le présent, Luana (la petite-fille) connait quelques ennuis avec l’autorité angolaise en place. Grâce à des titres improvisés et de quelques morceaux de raps enregistrés sur un CD, elle dénonce la situation précaire dans laquelle vivent les autochtones et tout particulièrement les enfants pauvres, qui, sans aucune échappatoire, se radicalisent et prennent les armes.
Luana n’a que très peu de souvenirs de sa mère, du moins elle la connait à travers son journal de guerre dont elle a hérité. Elle vit encore chez Lelena, sa grand-mère, marquée à tout jamais par les conflits et les guerres nationales sans fin qu’elle a traversées. Les deux temporalités des femmes se superposent et offrent une brève rétrospective de l’histoire du pays colonisé.
Une aura féminine et féministe
Dans Nayola , le ton est d’emblée donné. La force du film repose dans ce trio féminin a l’aura puissante et féministe. Malgré toutes les épreuves endurées, elles demeurent les héroïnes, des femmes fortes et indépendantes.
Et cette impression se confirme tout au long du film : Nayola, par exemple, sauve la vie de plusieurs citoyens angolais en détresse et tue même un homme de ses propres mains, pour défendre les plus faibles. Elle affronte la faim, la soif, la solitude et la chaleur d’un désert. Elle lutte contre des hyènes et apprivoise un chacal.
Luana, elle, par ses rythmes provocateurs et ses paroles irrévérencieuses, soulève la colère de la classe politique et reçoit en retour les coups de matraque des policiers. Lelana, de par sa force tranquille, veille sur sa petite-fille et n’hésite pas à prendre sa défense et à la cacher dans la maison quand le mal guette.
Une autre plus-value du long-métrage réside dans la réalisation 2D. En effet, avec des dessins simples, de vifs traits, des couleurs chaudes, des influences autochtones, tout est représenté de manière très explicite. Comme si, au fond, c’était symptomatique du conflit angolais : une ligne sur un visage suffit à traduire la terreur éprouvée sur le moment, la panique et le trauma qui en découlent.
La force du dessin animé
Le 2D est beaucoup plus remarquable dans la temporalité du passé, celle de Nayola, et rend – paradoxalement – assez flou l’environnement dans lequel l’héroïne évolue. Le spectateur reconnaît un fleuve, un désert, une grotte, mais il ne sait pas vraiment si tous ces lieux existent ou s’ils font partie de l’imaginaire de Nayola.
Plusieurs scènes du film vont d’ailleurs dans ce sens : des moments plus abstraits, comme des parenthèses de paix, de calme, de magie dans le chaos de la guerre. Parenthèses qui restent difficiles à interpréter et participent à rendre le film quelque peu hermétique. Le mystère plane toujours. On ne sait pas vraiment ce qui est arrivé à Nayola – promis pas de spoil – qui est devenue un autre individu. Est-ce une histoire de sorcellerie ?
Ce sentiment d’hermétisme est aussi renforcé par le fait que dans certains passages du long-métrage les personnages parlent leur langue créole (un mélange entre du portugais et une des langues du pays) et colorent le film d’une touche exotique, même si ces passages sont sous-titrés. Cela crée une certaine distance qui participe du mystère général de Nayola .
Tous ces aspects additionnés du film d’animation le rendent fort et riche en émotions. Et puis, les thèmes représentés sont profondément humains et nous rappellent les génocides et la cruauté dont peut faire preuve l’Homme.
C’est cela qui touche le spectateur et le laisse assister, impuissant, à ce spectacle de couleurs, de coups de fusil, de bombes, de répression. Il voit Nayola chercher en vain après son mari - qui est très certainement déjà décédé depuis longtemps, il voit des citoyens rebelles se faire fusiller, il voit une femme et son bébé mourir, il voit une jeune fille en détresse qui souffre de l’absence de sa mère et qui peine à trouver sa place dans un système oppressant et coercitif.
Ces personnages meurtris et touchants incarnent, en eux, le drame d’une nation, le chagrin qu’elle a éprouvé et tout l’esprit de révolte qui en a découlé. Nayola est un florilège d’émotions.
Le festival Anima se déroulera à Bruxelles, à Flagey, avec près de 150 séances au programme, du 17 au 26 février 2023. Il sera également décentralisé au Palace et à la Cinematek, ainsi que dans une dizaine de cinémas en Wallonie et en Flandre. Et il y en a pour tous les goûts avec des dessins animés pour les petits comme pour les grands !