Immersion au festival de théâtre Nouvelle Senne
De l'art par les jeunes, pour les jeunes
En ce début mai, j’ai eu la chance de couvrir pour Karoo la troisième édition du festival de théâtre Nouvelle Senne, inventé par des jeunes et pour des jeunes, durant trois jours consécutifs au théâtre des Riches Claires et à la Mercerie.
Nouvelle Senne, c’est un projet porté par trois jeunes passionnés : Victor Lefèvre, Victor Pestanes et Luana Staes. Leur objectif est de mettre en avant le travail d’autres jeunes du milieu théâtral belge et de proposer des spectacles attractifs pour cette génération. Né d’un projet scolaire de secondaire dans le cadre des LJE1, le festival revient pour sa troisième édition et fait désormais partie intégrante du monde théâtral bruxellois.
Cette année, il comptait en tout huit spectacles, primés pour certains, et confectionnés avec soin par des jeunes provenant des conservatoires de Bruxelles, Liège et Mons, de l’IAD, de l’INSAS et du Cours Florent. Plusieurs de ces artistes ont été récompensé·es par les Prix PlayRight 2022 et 2023 à la fin de leurs études2.
Pour cette nouvelle édition, les organisateur·ices du festival ont souhaité proposer une nouveauté en plus des spectacles classiques : l’opportunité de développer un projet en cours de réflexion lors de trois « LABO » : des espaces de création et d’échanges bienveillants avec le public.
L’ensemble du festival se montre très engagé et aborde des thématiques primordiales pour les jeunes comme la précarité, le racisme et les luttes anti-discriminations, les problèmes de santé mentale, la toxicité de certaines relations familiales, amicales ou professionnelles, le deuil, les normes sociales… et le besoin de rêver aussi !
Durant toute la durée du festival, j’ai eu l’impression d’entrer dans un cocon où les jeunes artistes peuvent et ont la place de s’exprimer librement. J’étais immergée dans une bulle de créativité à l’ambiance chaleureuse, électrique et hyperactive. Les Riches Claires et la Mercerie étaient en permanence bondés de personnes de toutes générations, mais principalement des jeunes, qui avaient l’air de se connaître pour beaucoup. Iels se retrouvaient sur place pour boire un verre avant les représentations dans une joyeuse et festive cacophonie.
Les organisateur·ices m’ont également donné l’opportunité de visiter les loges colorées et d’observer les coulisses ainsi que les filages des spectacles. J'étais fascinée par la patience, le sens du détail et l’engagement des artistes lors des répétitions. Tout est pensé avec le plus grand soin : du réglage des lumières jusqu’à la texture des feuilles de papier qui sont manipulées par les acteur·ices durant leurs scènes.
De manière générale, j’ai été vraiment impressionnée par la programmation. En tout, j’ai pu assister à un LABO et cinq créations. Chaque représentation apportait sa singularité. Avec La Condition, Lydie Decouvelaere nous invite à nous interroger sur les œuvres d’Annie Ernaux dans une ambiance conviviale, autour d’un goûter. Évidemment c’est fâcheux de Benjamin Gisaro dénonce sans détours le racisme omniprésent dans notre société : de la franchise et de la colère à l’état pur. On change ensuite totalement de registre avec Laissez-moi rêver de Victor Lefevre, un spectacle de rue qui nous invite à suivre avec enchantement les joyeuses aventures de Gabriel, 5 ans, et de ses amis imaginaires. Les Tournesols de Valentine Vanhaeren plonge le public dans l’atmosphère lourde et sombre d’une famille qui sombre. Ensuite, l’Enterrement de Elena Blondiau nous parle de deuil, d’amitié et de pressions sociales dans une ambiance électrique.
Enfin, mon coup de cœur personnel : OFFICE titre provisoire. Les spectateur·ices y observent les employé·es d’un bureau se laisser emporter chacun·e à leur façon par un monde bureaucratique malsain et sans scrupule, quitte à y perdre la tête. Le point fort et épatant de la pièce est qu’il s’agit avant tout d’un travail colossal et fascinant du corps, sans parole mais dont le message reste limpide. Une pépite à ne pas manquer si vous avez l’occasion d’assister à une future représentation !
Les jeunes artistes du festival mettent leurs forces et leur professionnalisme en commun autour d’une même passion, le spectacle, pour réaliser des œuvres de très haute qualité. Ce type d’initiative, à l’instar de Karoo d’ailleurs, montre à quel point la jeunesse, et plus particulièrement celle des milieux artistiques, est capable de grandes choses et ne doit pas être injustement assimilée aux enfants perdus de Peter Pan. Nouvelle Senne est donc un festival porteur d’espoir et d’énergie pour notre génération désillusionnée.