Queen Kong
Montée en jouissance
Le Théâtre de Poche présente la dernière création du metteur en scène Georges Lini, Queen Kong, un seul en scène tout en puissance, tiré du langage cru d’Hélène Vignal, qui narre l’émancipation sexuelle d’une adolescente.
Avec Queen Kong, Georges Lini et sa compagnie Belle de Nuit clôturent leur triptyque Antigone au Théâtre de Poche, trilogie débutée en 2021 avec Iphigénie à Splott et suivie de La Soeur de Jésus-Christ la saison dernière. Une trilogie qui met en scène des « héroïnes », des « guerrières » prenant les armes pour conquérir leur liberté1. Si la ressemblance avec les deux premiers volets est évidente, autant en termes de thématiques féministes qu’au niveau de l’ambiance visuelle et de la direction de jeu, Queen Kong se distingue par une mise en scène plus simpliste, plus brute. Contrairement à la scénographie mouvante et complexe de La Soeur de Jésus-Christ, où des tringles de vêtements descendaient au cours du spectacle, le décor est ici complètement statique : un plan incliné recouvert de terre sur lequel l’actrice, Emilie Eechaute, pourra monter et descendre au fil de ses explorations. Si cela peut limiter par moment les possibilités de jeu de la comédienne, celle-ci brille par son interprétation d’une adolescente victime de cyberharcèlement et de slut-shaming.
Jérémie a donc été le portier. On en fait tout un plat, du premier. Mais lui son rôle ça a été d’ouvrir la porte que j’avais dans le vagin. Si j’avais su comment faire, je l’aurais ouverte toute seule. Mais je ne savais pas. Est-ce qu’on peut se dépuceler toute seule ? Ne pas donner ça à quelqu’un ? Ce trophée de merde, du pucelage, là ? Si oui, toutes les filles devraient le faire. […] J’avais juste envie d’en finir avec ce truc de la première fois, du pucelage, de l’hymen. On était d’accord là-dessus lui et moi. Bien sûr, on se l’est pas dit aussi directement. Tu m’ouvres quand je l’ai décidé, et on en reste là.
Lauréat du prix « Pépite d’Or » au Salon du livre de Montreuil en 2021, le texte d’Hélène Vignal dépeint une ado qui rêve d’explorer sa sexualité comme elle l’entend, en dehors des conventions patriarcales et du double standard qui pèse sur les jeunes filles. L’autrice écrit ainsi le modèle qu’elle aurait aimé avoir lorsqu’elle avait quinze ans, une ado libre de partir à la recherche de son plaisir. Dans une adresse directe au le public, la jeune fille raconte, avec des mots hardis, ses expériences sexuelles (jouissives ou non, consenties ou non2), le harcèlement qui en a découlé et l’échappatoire qu’elle trouvera au sein du militantisme écologique. SPOILER3
Queen Kong a le mérite d’aborder des thématiques primordiales, du mythe de la virginité à la masturbation féminine en passant par la culture du viol. Si la mise en scène peut paraître simpliste, la performance hargneuse et galvanisante d’Emilie Eechaute se suffit presque à elle-même, proposant un efficace portrait féministe d’une adolescente révoltée.