Simon et Lucie : Les ciels changeants d’Alain Kokor (d’après l’œuvre de Diastème)
Une histoire d’amour intime, envers et contre tout
Simon et Lucie : Les ciels changeants nous plonge dans une histoire d'amour intense en quête de reconstruction. À travers les vécus de Simon et Lucie, deux adolescents aux vies bouleversées, cette bande dessinée inspirée de textes de Diastème adaptés par Alain Kokor, suspend son lecteur dans une confession intime aux dessins suggestifs.
Simon et Lucie : Les ciels changeants raconte une histoire d’amour en deux temps. Le lecteur partage d’abord une nuit avec deux adolescents amoureux, Simon et Lucie, qui se confient l’un à l’autre, surtout sur leurs situations familiales dysfonctionnelles. Il accompagne ensuite la reconstruction de Simon dans un hôpital psychiatrique, son combat intérieur suite à la rupture avec Lucie et à son autodestruction. Ces deux instants de vie sont reliés et traversés par l’intensité avec laquelle Simon aime Lucie, envers et contre tout, avec toute la beauté qui caractérise cet amour, mais aussi ses failles, ses cicatrices. L’apaisement ne s’aperçoit que vers la fin : il éclôt notamment grâce à l’amitié qu’il partage avec Bartholomé, un de ses amis de l’hôpital.
Le récit de cette bande dessinée se base sur trois textes de Diastème, écrits au départ pour le théâtre. Alain Kokor les rassemble en un scénario narratif et poétique. Il partage d’ailleurs dans une vidéo des éditions rivages avoir été complètement « englouti par l’émotion » suite à la lecture des textes de Diastème1, en être « ressorti avec les larmes aux yeux », une sensibilité qu’il retranscrit justement dans son interprétation graphique et qui se tisse tout au long de la lecture.
L’émotion n’est pas le seul aspect qui se tisse tout au long du récit. De nombreux éléments de l’histoire sont révélés progressivement : le lecteur est dans l’expectative, en tension narrative, ce qui donne envie de tourner les pages sans s’arrêter et de s’attacher à Simon et Lucie.
Au fil des pages, ces deux personnages se racontent : on côtoie leurs voix intérieures, on est témoin de dialogues à cœur ouvert. La plupart du récit est toutefois conté par Simon qui écrit à Lucie dans des carnets. Le lecteur prend ainsi le rôle d’un confident intime et s’immerge au cœur de la pureté des vécus, des sentiments.
Le graphisme de cette bande dessinée est un mélange de sobriété et de subtilité, il retranscrit à nouveau l’authenticité et la profondeur émotionnelle du récit. Les traits sont simples et bruts, les couleurs sont ternes et délavées. Les expressions de visages sont particulièrement marquées et présentées comme les éléments visuels à ne pas manquer. Le non-verbal est omniprésent et se comprend grâce à la suggestion graphique et la poésie des dessins.
Alain Kokor n’hésite pas non plus à jouer sur le format des cases pour souligner l’importance et l’émotion de certains moments de cette histoire qui s’étend sur un long espace-temps entrecoupé d’ellipses temporelles. Des pages bleu nuit structurent d’ailleurs ce roman graphique de 320 pages. Sur celles-ci, un élément chargé émotionnellement de ce qui est raconté dans les pages précédentes est illustré. Une nouvelle fois, la suggestion et la poésie caractérisent le travail d’Alain Kokor.
Simon et Lucie : les ciels changeants traite donc de l’amour envers et contre tout, avec toute son intensité, sa beauté, mais surtout ses failles et ses cicatrices. Les propos sont graves, sévères, tragiques, et pourtant on s’attache à cette histoire d’amour et aux personnages qui la composent, qui l’entourent. On vibre à la même intensité et ça nous terrifie comme ça nous émeut. Je reste toutefois quelque peu dubitative sur la fin… Ai-je envie de croire qu’on peut continuer à aimer sainement l’autre après s’être fait autant de mal par amour pour quelqu’un ? L’intensité de l’amour est-elle propre à l’adolescence ? Peut-on dépasser la violence du premier amour et voir naître une nouvelle façon de s’aimer avec des années de recul ? Je reste sur le banc de la dernière case de cette bande dessinée, je regarde l’horizon et l’histoire d’amour qui vient de m’être partagée…