Chega/Calma de Gaia
This is your song (114)
Une chanson, illustre ou inconnue, c’est le principe plus de cent fois renouvelé de This is your song.
Avec sa chanson pop « Chega » (« Calma » en italien), la jeune chanteuse et compositrice Gaia a conquis les radios italiennes. Focus sur un titre qui parle autant aux oreilles qu’aux cœurs. Âgée d’à peine 23 ans, la chanteuse italo-brésilienne Gaia Gozzi s’est construit une carrière incomparable. Après avoir fini à la deuxième place lors de la dixième édition du programme X Factor Italia en 2016, celle-ci n’a malheureusement pas décollé. Cet échec l’a poussée à tenter une nouvelle fois sa chance dans une émission très réputée en Italie, intitulée « Amici di Maria De Filippi », qui est entre-autre un talent show dans lequel concourent une vingtaine de danseurs, chanteurs et comédiens entre 18 et 25 ans. Cette aventure ne fut pas menée en vain étant donné qu’elle en sort victorieuse et gagne à la clé la réalisation de son premier album. Voici comment Nuova Genesi , entièrement disponible sur Spotify et YouTube, a vu le jour. Comme l’indique le titre de son album, Gaia y exprime ses sentiments ainsi que les périodes marquantes de sa vie, et sa volonté de prendre un nouveau départ.
« Chega » est non seulement la chanson qui introduit l’album mais surtout celle qui incarne le message véhiculé par l’artiste. Elle est entièrement rédigé en brésilien-portugais. « Calma » est la variante italienne de « Chega » et conclut l’album. Malgré le fait que le sens des deux chansons se rejoigne, il ne s’agit pas d’une traduction littérale mais de toutes nouvelles paroles. Quant à la musicalité, celle-ci ne change pas.
De manière générale, la version brésilienne comporte des couplets plus directs, répétitifs et entêtants que sa sœur italienne, plus imagée et poétique. Nous avons décidé de prendre le premier couplet de chacune des versions, pour illustrer à la fois leurs différences et leur complémentarité.
Commençons par « Chega » :
Bendita dor me deixe em paz
Bendita dor me deixe em paz
E se ele some quando eu 'to na cama
Melhor deixar de vez
Pra mim não é que tanto faz
Pra mim não é que tanto faz
Pra mim não vale ir embora já chegou a hora de me tornar feliz
Ela joga nas estradas
Sem mentira pra não ter demora
Sem demora
Traduction :
Douleur bénie, laisse-moi tranquille
Douleur bénie, laisse-moi tranquille
Et s’il disparaît quand je suis dans le lit
C’est mieux d’arrêter définitivement
Pour moi, ce n’est pas que ça m’est égal
Pour moi, ce n’est pas que ça m’est égal
Pour moi, c’est de la triche de s’en aller, l’heure est venue que je devienne heureuse
Elle joue sur les routes
Sans mensonge pour ne pas être en retard
Sans retard
Le double sens du titre « Chega » traduit parfaitement le message de fond de cette chanson, mélange de ras-le-bol (« ça suffit ») et d’envie d’un nouveau départ (« elle arrive ») avec de nouvelles possibilités symbolisées par les routes (« estradas ») du refrain. Dans l’extrait ci-dessus, les répétitions accentuent les émotions de la chanteuse, trahissent sa souffrance tout en résonnant comme des encouragements que Gaia se donne à elle-même pour s’aider à prendre sa situation en main. Dans les paroles portugaises, cette volonté d’un changement libérateur semble multiple, portant principalement sur le plan amoureux mais aussi professionnel. Lorsque l’on sait que Gaia a écrit ce morceau dans une période compliquée de sa vie, il est facile d’imaginer que cette « ela » (« elle »), cette « menina » (« fille ») qui demande à plusieurs reprises qu’on la « deixe solta » (« laisse libre ») n’est autre que l’artiste elle-même en quête de renaissance.
Analysons ensuite « Calma » :
Solo se dormo sono in pace
Mi uccide e poi mi lascia in pace
Quando una lacrima mi brucia il viso
Fuori dal paradiso
E il mare è mosso sotto l'amaca
Baciami il collo, pioggia salata
Se il vento sposta anche una virgola del mio delirio
Si sveglia il condominio
Quando è l'ora giusta chiamo un taxi
Nella giungla e vado fuori come I tuoni
Traduction :
Seulement si je dors je suis en paix
Cela me tue et puis me laisse en paix
Quand une larme me brûle le visage
Hors du paradis
Et la mer est agitée sous le hamac
Pluie salée, embrasse-moi le cou
Si le vent bouge une virgule de ma folie
Alors tout l’immeuble se réveille
Quand l’heure est bonne, j’appelle un taxi
Dans la jungle et je vais dehors comme le tonnerre
La variante italienne quant à elle est plus complexe. L’extrait traduit ci-dessus renforce le contraste avec la chanson portugaise. En effet, il est difficile à comprendre : le ressenti de la chanteuse est fort imagé. On retrouve le champ lexical de l’eau avec « lacrima », « mare », « pioggia » voire même de la tempête si l’on prend en compte « vento » et « mare mosso ». À travers ce procédé poétique, Gaia tente de transmettre sa tristesse et l’agitation qu’elle a vécue durant cette période difficile. Contrairement à ce que l’on note dans « Chega », la chanteuse ne parle ici jamais d’elle-même à la troisième personne. Elle semble se déclarer, utilisant principalement la forme « je » tout en parlant de ce qui l’entoure.
Ainsi, ces deux chansons jumelles se répondent et se complètent en offrant deux manières différentes de raconter une même histoire, celle d’une jeune femme mi-brésilienne mi-italienne pour qui ce mélange linguistique fait partie du quotidien et de son identité ; celle d’une artiste en recherche de paix, de force et d’amour.
Noémie Mil-Homens & Amandine Fossoul