critique &
création culturelle
Alaska Gold Rush
Rendez-vous en terre promise

Découvert dans la galerie Karoo il y a tout juste un mois, Alaska Gold Rush n’en finit plus de tourner sur ma platine. Deux concerts en décembre 1 se profilent : l’occasion idéale de les rencontrer avant d’enfin les découvrir sur scène.

J’étais parti tôt la veille, j’avais passé une nuit trop courte dans un motel quelconque au milieu de nulle part. Enfin j’arrivais, le soleil lourd se couchant doucement sur les toits de cette ville sans grâce dont le nom faisait pourtant pleurer tant de guitares. Comme souvent dans ce coin-là, le bar cradingue vers lequel je me dirigeais invitait plus à rebrousser son chemin qu’à y étancher la soif imposée par la sainte trinité : les femmes, le désert et l’airco qui nous en protège éternellement, amen. Au fond de la salle, je les ai entendus avant de les voir. Les Alaska Gold Rush étaient sur scène, comme tous les samedis soir depuis trop longtemps…

Alaska Gold Rush, c’est Renaud Ledru à la guitare et au chant et c’est Alexandre De Bueger à la batterie. That’s it , formule power-duo ! Je les rencontre en fait dans un bar des Halles Saint-Géry . (On se les pèle déjà depuis quelques jours : le froid de Bruxelles est une aberration, on devrait voter contre.) S’ils ne jouent ensemble que depuis seulement deux ans, ils semblent habiter leurs chansons depuis une bonne trentaine d’années de plus. Un premier EP, Pilot Village Midnight , en témoigne déjà, pas mal de scènes en Belgique aussi.

Sans adorer le jeu des comparaisons, j’évoque forcément les Two Gallants : « On apprécie la référence tous les deux, c’est sûr. On est sans doute plus droit au but dans nos compositions, on se laisse moins emporter qu’eux, il y a moins de folie mais on veille plus à ce que chaque chanson se distingue des autres, ce qui implique une structure à chaque fois originale. » Pari réussi jusqu’à présent, mais qui représente un sacré défi. « L’idée est que la batterie ne se contente pas d’accompagner la guitare, ça implique que chaque chanson soit une exploration en soi et ça repose aussi sur un jeu très habité . » Ce que la souplesse et l’élégance d’Alexis autorise, c’est en effet la formidable interprétation de Renaud. On distingue à peine ce qui le sépare de sa guitare, à croire qu’elle s’incarne au bout de ses doigts plutôt qu’ils la tiennent et en jouent. Allons encore plus loin dans les louanges : sa voix, par son timbre et son intensité, ressemble étrangement à celle de Greg Dulli. Réécoutez par exemple Be Sweet des Afghan Wighs 2 , la ressemblance est saisissante.

Cette puissance d’évocation qui émane de la musique d’Alaska Gold Rush trouve aussi son origine dans la passion de Renaud, qui écrit et compose les morceaux, pour une Amérique fantasmée, mais aussi vécue . Fantasmée parce qu’elle s’incarne d’abord dans les notes de Son House , Charlie Patton ou Ramblin’ Jack Elliott . Parce qu’elle s’incarne aussi dans les lettres américaines que Renaud a étudié à l’université 3 . Mais c’est aussi une passion vécue à travers de nombreux voyages.
« Prendre une bagnole, traverser quelques États, rencontrer des musiciens, aller dans des bleds paumés, des villes mythiques mais vides et tristes en réalité… » Un trip qu’apprécie aussi Alexandre, tout en affirmant des influences musicales nettement plus contemporaines.

L’originalité d’Alaska Gold Rush, ce serait donc de faire du neuf et du vieux ? La narration du folk et les thèmes sombres du blues ? « J’écris rarement des trucs roses, mais ça va mieux : avant c’était vraiment plombant ! Grâce à la batterie, ma voix n’est plus la même et c’est plus rythmé, plus dynamique. Du coup c’est moins sinistre, même si les sujets restent graves. » C’est vrai que ça ne rigole pas toujours… « Mes textes sont très introspectifs et autobiographiques, mais comme dans le songwritin g américain, je transforme ça en histoires, ça devient quelques jours dans la vie d’un gars. Pas question de rester collé dans ma petite vie… »

Enregistrées au studio Pyramide de Renaud Houben, dans des conditions de quasi-live, les six chansons de Pilot Village Midnight traduisent ce mélange de passion et de concentration que dégage les deux musiciens. Du lumineux Shake In Those Streets au très sombre From The Bixby Bridge Again , la route qu’ils tracent est longue et belle, menant tout droit vers la terre promise. Next trip ? « On travaille en ce moment sur un nouveau single de trois titres et un nouveau clip. Le premier, pour The Gallows Birds , a été réalisé par Alexandre qui est monteur, à partir de films qu’on a tourné nous-mêmes et d’images d’archives trouvées sur Youtube. Le suivant sera très différent et réalisé par quelqu’un d’autre… »

Avant cela, on retrouve Alaska Gold Rush dès ce vendredi 12 décembre : rendez-vous à l’ Atelier 210 pour un concert en compagnie du folk rock nonchalant et de l’humour anglais de The Wave Pictures . Rendez-vous également le 20 décembre pour la finale du Concours Circuit qui promet une belle soirée au Botanique.

Même rédacteur·ice :

Alaska Gold Rush
Pilot Village Midnight
2014