critique &
création culturelle
Hamlet
entre dignité et amour

Hamlet revient sur scène dans une nouvelle adaptation signée Emmanuel Dekoninck, avec notamment Thomas Mustin, qui livre une interprétation moderne et authentique de ce personnage mythique. Une pièce dynamique aux multiples facettes qui emporte son spectateur dans un ouragan tragique.

Il n’est pas facile de se lancer dans un projet théâtral au cœur duquel se trouve un classique tel qu’ Hamlet . Emmanuel Dekoninck, metteur en scène, relève malgré tout le défi en nous embarquant dans une version moderne et dynamique dans laquelle le jeu des acteurs est remarquable.

Photo : Véronique Vercheval

Aborder la pièce culte Hamlet peut inspirer comme angoisser. En effet, face à ce monument et à la diversité des interprétations qui furent déjà proposées à travers les décennies, voire les siècles, cela peut être effrayant d’y toucher. Emmanuel Dekoninck tenait à en offrir une version qui se construit à l’aide de différents outils d’expression. La pièce est habillée de jeu théâtral , de musique, de chant et même de dessin. Il y a une véritable hybridation dans la mise en scène de cette pièce de William Shakespeare. Toutefois, c’est avant tout l’aspect musical qui est le pilier de cette adaptation, apportant une vitalité surprenante au déroulement de l’histoire. Amener sur scène des instruments et des comédiens musiciens apporte une énergie particulière à la pièce. Cela permet d’enchanter le spectateur en ne lui laissant pas le temps de se fatiguer. Aussi, cet ajout souligne différemment les émotions que la pièce a la volonté de nous faire percevoir. Cet aspect musical, construit avec notamment des chansons de David Bowie ou encore de Barbara, rythme la poésie de Shakespeare justement. Plus particulièrement, la chanson que la comédienne Taïla Onraedt interprète en dessinant sur les vitres du décor apporte une atmosphère particulièrement déchirante à cette scène.

Ce dynamisme est également mis en avant grâce à la scénographie. Sur le plateau, se dessine une beauté froide avec des couleurs ternes et obscures. Des dessins et des phrases apparaissent et disparaissent au fil de la narration. Les murs se tournent et se retournent pour nous emmener dans des lieux différents . Ici, le plateau offre un véritable enjeu : il sert de lieu d’expression, il rythme la pièce en se renversant au fur et à mesure des scènes et impose une atmosphère solennelle.

Dans cette pièce, chaque personnage est placé sur un pied d’égalité. Chacun dispose de sa place et de son statut sans prendre le dessus sur les autres. Ils contribuent tous à écrire le récit. Les comédiens sont les musiciens de leurs répliques : ils créent ensemble la partition que représente cette adaptation d’ Hamlet .

Photo : Véronique Vercheval

Cette version d’ Hamlet offre un beau contraste. Emmanuel Dekoninck propose une version très moderne de cette pièce mythique tout en respectant la poésie de William Shakespeare. Néanmoins, la modernité et le dynamisme peuvent brusquer le spectateur attaché à la version de William Shakespeare. Pourtant cette agitation sur scène et les pointes osées qui y sont placées telles que la première scène qui s’ouvre sur un scène d’amour physique entre Hamlet et Ophélia, montrent l’évolution de nos sociétés, ou du moins le contraste entre la nôtre et celle de William Shakespeare. L’humour pointe de temps en temps le bout de son nez, même si la tragédie prend avant tout le dessus.

Le jeu des comédiens est également un point fort de cette adaptation. Aussi, de nombreux détails symboliques  que ce soit au niveau des gestes ou de la scénographie, se dévoilent également sur scène, comme par exemple les lancers de confettis noirs lors de l’enterrement du père d’Hamlet qui renforcent l’émotion que projettent les répliques.

Cette adaptation d’ Hamlet se situe dans une tension entre la modernité et l’image classique qu’elle représente. Elle est à la fois délicate et brusque.. Elle pourrait être représentée par un ouragan qui petit à petit monte en crescendo et dont la musicalité soutient la tension qui semble pouvoir se fendre à tout moment.

Si l’adaptation de la pièce d’Hamlet était …

Un instrument de musique ? La guitare électrique ou la batterie.

Une catastrophe naturelle ? Un ouragan.

Une valeur ? La dignité et l’amour.

Même rédacteur·ice :

Hamlet

d’après William Shakespeare

Adaptation et mise en scène d’ Emmanuel Dekoninck
Avec Thomas Mustin, Bénédicte Chabot, Alain Eloy, Fred Malempré, Gilles Masson, Fred Nyssen, Taïla Onraedt, Gaël Soudron, Jérémie Zagba

Création atelier Théâtre Jean Vilar

95 minutes

Une deuxième partie de tournée est attendue pour l’année prochaine.