Quand l’opéra réunit un paon, un porc-épic, une méduse et des nonnes un soir de Noël.

Le soir du bal costumé de Noël de la reine d’Espagne, Horace de Massarena, secrétaire à l’ambassade d’Espagne, attend de retrouver sa slutty pumpkin. Celle-ci, bien que déguisée en cygne noir, a tout d’une Cendrillon : la jeune Angèle de Olivarès espère, cachée sous son domino – une longue cape dissimulant tout le corps, profiter du bal en compagnie de son amie Brigitte avant de retourner au couvent à minuit pile.

À travers ses jeux de cache-cache, Angèle va croiser Horace, l’amoureux transi, Juliano, le « vieux » garçon fêtard, Lord Elfort, le colérique, Jacinthe, la plantureuse, Gil Perez, l’aguicheur et Ursule, la démoniaque. Au petit matin, enfin, le soleil fera la lumière sur les mystères de la nuit.

Acte I – Horace fait semblant de dormir. (Auteur inconnu)

Le Domino noir est un opéra comique composé par Auber (Daniel-François-Esprit de ses prénoms), sur un livret écrit par Eugène Scribe. L’opéra fut créé le 2 décembre 1837 à l’Opéra-Comique de Paris. Après avoir provoqué une révolution en Belgique avec sa Muette de Portici, Auber fera à nouveau se lever les foules avec son Domino noir. Un succès fou représenté plus d’un millier de fois au XIXe siècle. Cependant, l’œuvre tombera dans l’oubli dès le XXe siècle, pour des raisons qui nous échappent. Valérie Lesort et Christian Hecq ont dépoussiéré le livret en coupant certaines redondances et autres traits humoristiques obsolètes afin de remettre l’œuvre au goût du jour. Hecq et Lesort truffent leur mise en scène de détails, de marionnettes et de mouvements qui enrichissent les tableaux. Pour Anne-Catherine Gillet (Angèle), c’est « un gros spectacle. Nous, les chanteurs, on a un peu l’habitude que ça se passe autour de nous, et là, pas du tout ; on est une partie du spectacle »1.

© Laurraine Wouters – Opéra Royal de Wallonie-Liège

Et quel spectacle ! Le ton est donné dès l’ouverture : cinq dominos et un bout de rideau ouvrent le bal en faisant quelques acrobaties, plaçant l’humour sur le devant de la scène. Je ne m’attendais vraiment pas à rire autant, entre les danses et les jolis airs, toujours légers et formidablement exécutés. Les costumes de Vanessa Sannino sont inventifs et colorés, tout en ajoutant du caractère aux personnages. Ainsi, Juliano fait la roue devant les jolies filles et Lord Elfort envoie ses piquants sur tous ceux qui l’énervent, Horace restant sa cible de choix. Angèle passe de cygne à servante puis à nonne à l’aide du domino, un peu comme un numéro transformiste. Le jeu, aussi, est toujours juste ; le chant parfait (même si les ensembles mériteraient plus de force parfois) : Gillet propose une Angèle courageuse et jouette, qui se laisse guider par son instinct et qui, au fond, a juste envie de s’amuser. Cela se ressent dans les airs légers et dans la multitude de styles abordés par le compositeur. Horace est convaincant, et Jacinthe est tout simplement excellente. Les rôles de Gil Perez et de Lord Elfort sont moins portés sur le chant, mais ils imposent leur présence par leur jeu.

Les décors sont truffés de détails insolites, et servent réellement l’histoire : par exemple, la grande horloge dans le hall de la reine d’Espagne servira à Horace à garder Angèle un peu plus longtemps dans la salle. Les marionnettes d’Hecq et Lesort rentrent également dans l’action à plusieurs reprises, et le grand sapin chez Juliano contribue à l’ambiance festive et joyeuse de l’opéra.

© Laurraine Wouters – Opéra Royal de Wallonie-Liège

En bref, tout le monde joue bien, tout le monde chante bien, l’humour est plus que présent, le rire est communicatif, l’histoire plutôt bien ficelée et pleine de rebondissements… Tous les ingrédients sont réunis pour un spectacle réussi, parfait pour terminer l’hiver sous le soleil.

L’œuvre est en coproduction avec l’Opéra-Comique de Paris, où elle sera donnée de la fin mars au début d’avril.

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Domino noir

Mis en scène par Valérie Lesort, Christian Hecq
Avec Anne-Catherine Gillet, Cyrielle Dubois, Antoinette Dennefeld, François Rougier, Marie Lenormand, Laurent Kubla, Sylvia Bergé, Laurent Montel
Direction musicale par Patrick Davin
Chorégraphie par Glyslein Lefever
Une coproduction de l’Opéra-Comique, l’Opéra royal de Wallonie et l’Opéra de Lausanne.
155 minutes


  1. https://www.youtube.com/watch?v=i4yXs8TxOQs