critique &
création culturelle
Le Festival Nouvelle Senne
Non, le théâtre n’est pas chiant !

Du 12 au 14 mai avait lieu la seconde édition du Festival Nouvelle Senne, un festival de théâtre à l’écoute de la jeunesse et de ce qui l’anime. Karoo est parti à la découverte de cette initiative bruxelloise et y a découvert deux de ses spectacles.

Le Festival Nouvelle Senne est un festival de théâtre de 3 jours (du 12 au 14 mai) imaginé par des étudiants du secondaire bruxellois sous la direction (pour cette seconde édition) du jeune Victor Pestanes. Il accueille une quinzaine de créations dans trois lieux culturels de Bruxelles : les Riches Claires, la Mercerie et l’espace Magh. Et réunit, le temps d’un même événement, des jeunes artistes de moins de 25 ans.

Ce Festival vise à rendre le théâtre plus attractif, avant tout auprès des jeunes. L’enjeu est de déconstruire l’image poussiéreuse qu’ils peuvent avoir du théâtre et de proposer « un théâtre créé par et pour des jeunes ; un théâtre qui bouge, qui nous touche, qui nous parle », un théâtre à l’écoute de cette génération pour qu’elle ait envie de s’y rendre.

Au niveau des pièces, il y en a pour tous les goûts ! Cette année, il était possible de venir voir Les Justes d’Albert Camus ou une adaptation de la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. Mais aussi d’oser des créations telles que Pécheresse , un thriller scénique, Rubbish Parade , « un cabaret explosif et pluridisciplinaire », ou encore Nullement tristes , un théâtre plus philosophique. Quant aux thèmes, ils sont actuels et variés : les pièces réfléchissent à de sujets tels que l’écologie, les questions de genre, et plus généralement à l’être-humain et à la société. La programmation s’est constituée suite à un appel à projets dont la seule condition était que les membres aient moins de 25 ans et/ou qu’ils aient fini leurs études il y a moins de trois ans.

Parmi ces multiples propositions, Karoo a eu l’occasion de découvrir deux spectacles programmés le samedi après-midi : Where is this F***ing Kitchen d’Alexandra Bouron et Henri Beugnet et Le Dernier Secret de l’Alchimie de la Compagnie Soum Soum.

Samedi, 14h00. Ça se passe aux Riches-Claires pour Where is this F***ing Kitchen . Rendez-vous face à une scène dont les extrémités sont remplies de cartons vides. Au milieu, un espace de jeu. À l’arrière, une grande bâche à l’aspect d’un sac en plastique. Cette matière floute les cartons et les cinq présences qui y traînent en attendant d’être réinvesties dans un souvenir. Côté cours, au milieu des cartons, un homme, Brian, est devant un micro. Il y prononcera plusieurs fois : « Un jour, j’aurai tellement… que… » et chacune de ses phrases lancera un nouvel élan au spectacle, une nouvelle mise en plateau plongeant le spectateur au cœur d’un de ses souvenirs.

Where is this F***ing Kitchen est dynamique et épars : on passe d’un fait à l’autre, d’une idée à l’autre, d’un personnage à l’autre, d’un sentiment à un autre. Donnant l’impression d’être désordonné, elle rend avant tout compte de la difficulté de relater une vie selon une ligne droite et continue.

La force de cette pièce réside en les images de corps qui y sont proposées. Des corps cachés dans des boîtes dont seules les jambes se meuvent, une mère atteinte de démence qui se balade avec un bouquet de fleurs séchées le regard perdu, un ensemble d’étudiants qui courent sur place en récitant des faits historiques… Autant d’illustrations scéniques qui marquent symboliquement l’esprit du spectateur.

Le spectacle est à la fois drôle et touchant. Il questionne notre rapport aux souvenirs et à leurs possibles pertes à travers différents tableaux abordant une thématique relative à la mémoire. Encore en cours de finalisation, cette première exquise était déjà riche en émotions et en réflexion.

15h30. Prochain spectacle, un conte : Le Dernier Secret de l’Alchimie . Rendez-vous une rue plus loin, à la Mercerie, un endroit en ruine qui a été réinvesti en lieu culturel. Le public est invité à se disposer en arc de cercle devant un espace illuminé par un puits de lumière venant de la verrerie du toit. On y distingue une guitare électroacoustique, une chaise et des tapis d’Orient disposés au sol. Et alors que le public s’installe, des murmures déjà habillent ce lieu.

Peu de temps après, les deux conteuses apparaissent et déposent dans la main de certains spectateurs une graine imaginaire. Elles vont ensuite se placer à deux sur la seule chaise présente et débutent un voyage fabuleux où se mêlent mots, mélodies et gestes. Ce voyage, c’est l’épopée rocambolesque de deux sœurs jumelles, filles d’un alchimiste.

Le Dernier Secret de l’Alchimie est une complicité entre deux conteuses et son public. C’est un retour en enfance, une entrée dans un monde fantastique. Elles racontent une histoire tout en la faisant visualiser. Elles éveillent l’imaginaire rien que par leurs voix et leurs gestes, le tout souligné de temps à autre par une chanson aux allures de comptine. Très vite, la graine germe et on oublie la réalité.

Le Festival Nouvelle Senne, c’est l’occasion pour des jeunes artistes de concrétiser leurs projets sur scène ! Toutefois, l’objectif escompté (amener les jeunes au théâtre) semble encore difficile puisque le public présent lors des deux spectacles n’était pas composé en majorité de cette génération et semblait même être un public familier. Malgré tout, ce Festival est une initiative prometteuse qui amène à réfléchir au théâtre tout en y prenant goût!

Même rédacteur·ice :

Where is this f***ing Kitchen

Texte : Alexandra Bouron
Mise en scène : Henri Beugnet
Jeu : Alexis Hubert, Ashley Martin, Paul-Adrien Bertrand, Tara Veyrunes, Timothee Journot, Valentine Monserand
Scénographie : Margot Dufeutrelle
Régie lumières : Ijjou Ahoudig

Le dernier secret de l’alchimie

Texte, mise en scène, conception et jeu : Mélys Bouvier, Lucia Piccardi
Chargée de diffusion : Elise Fransceschi