3 jours, 3 nuits
Le spectacle en agitation constante de Louise Vanneste
Au cœur d’un carré de lumière au sol dans lequel est parfois projetée ce qui s’apparente à de la terre, Louise Vanneste incorpore son corps avec le mouvement puis le repos des phénomènes géologiques. Karoo s’est rendu à la première de 3 jours, 3 nuits, un solo dansé le 28 novembre au Vilar pour découvrir un spectacle performance qui nous laisse beaucoup de sensations, mais peu d’explications.
Au commencement, apparait un corps-organisme à l’extrémité d’un carré de lumière terne plongé dans l’obscurité. Il se dégage une atmosphère froide, sombre qui s’installe tout au long du solo dansé contraint par les délimitations de cette forme géométrique où on peut parfois voir s’afficher des projections de matières fissurées évoquant une terre sèche. On plisse les yeux dans l’espoir de mieux cerner ce qui se déroule sur scène, mais impossible pour le regard de tout saisir avec netteté.
Le corps-organisme s’aperçoit aussi sans vraiment se distinguer. Vêtu d’une tenue deux pièces couleur chair, collant à la peau, il évoque une enveloppe corporelle. Sa singularité réside en de longs cheveux bruns foncés plaqués sur le devant, masquant un visage. Les yeux ou la bouche se dévoilent évasivement quand les mouvements performés créent une brèche dans l’amas de cheveux qui gigote en parallèle du corps déchaîné. Plus étranger que semblable, ce corps s’apparente à une figure hybride à redéfinir.
En 40 minutes, 3 jours, 3 nuits fait écho aux caractéristiques physiques et chimiques de phénomènes géologiques. Ces notions sont rappelées par une musique qui se caractérise par trois couches qui coexistent. La première, percussive et constante, fait penser à un cœur qui bat, alors que la seconde, aérienne, aiguë, amène l’émotion. Toutes deux sont aléatoirement accompagnées de différents bruits notifiant l’agitation de la terre.
Tout au long du spectacle, des textes sont déclamés par une voix off insinuant également la géologie, parfois sensoriels, à d’autres temps scientifiques. On perçoit plus qu’on écoute cette voix hypnotique, on fait des liens inconscients entre ce qui est représenté sur scène et des extraits de narration. Elle cite également la notion temporelle du spectacle de 3 jours et 3 nuits.
Dans le carré de lumière où le solo est performé, tout est géométrique : les déplacements se font en diagonale, verticale ou fixe en un point. Le corps est d’abord agité : Louise Vanneste est sans cesse debout et danse avec ses mains qui semblent rejeter, dégager une énergie très puissante, des gestes qui donnent l’impulsion à d’autre mouvements dans le corps. C’est une performance qui laisse sans voix et qui se clôt par des postures formant des images de corps. Une nouvelle fois, la danse contraste avec une turbulence où le détail n’est pas perceptible grâce à des postures claires où notre regard peut s’attarder. Le corps devient véritable témoignage d’une Terre qui se constitue et s’agence de par des mouvements constants.
Loin de percevoir une narration claire, j’ai assisté à une véritable recherche entre corps et effervescence de phénomènes géologiques. Dans ce spectacle, une agitation essaye de percer sans cesse, d’exploser, d’imploser, de se rejeter du corps, mais contre toute attente se termine par un retour au calme. Comme souvent face à un spectacle de danse, on en ressort avec peu de compréhension, mais beaucoup d’images symboliques et de sensations. En lisant « narration assumée » dans le descriptif du spectacle, j’ai d’abord cru que cela n’avait pas été atteint. Et pourtant malgré le jeu permanent entre perceptible et imperceptible, on m’a bel et bien témoigné de l’histoire intérieure et sensorielle d’une Terre en 3 jours et 3 nuits.