critique &
création culturelle

Bota(chro)nique

Maîtresses des jeux

Ce 1er mai, le duo Angie & Lazuli et Joanna partageaient l’affiche des Nuits Botanique. Le Museum a déplacé les meubles pour accueillir des univers distincts : hip-pop espiègle et léger d’un côté, pop-électro mélancolique de l’autre. Retour sur une soirée mémorable.

ANGIE & LAZULI − Duo de choc

Nouvelles étoiles montantes du hip-hop francophone, Angie & Lazuli, c’est avant tout une histoire d’amitié fusionnelle. Toutes deux signées chez D.I.V.A., elles se rencontrent pour la première fois sur scène au Point Éphémère. Leur complicité artistique se cristallise rapidement, donnant naissance à l’entité ANGILINAZULI, premier projet collaboratif entre deux rappeuses françaises.

Si le nom du projet emprunte à la tradition un poil ringarde du ship name des couples de stars, l’EP du duo est loin d’être désuet. En seulement six titres, Angie et Lazuli nous plongent dans leur univers espiègle, provocant et assumé. Et puisqu’il tourne à plein régime dans mon casque depuis novembre, autant vérifier en personne si ça claque tout autant en vrai.

Accompagnées sur scène par DJ Yasmine, les deux camarades tirées à quatre épingles ouvrent le bal avec l’excellent « Virage ». Couplets kickés sans sourciller par Angie, pré-refrains minaudés par Lazuli, « On tchatch on chill, que des hits c'est maléfique bitch ». Aucun doute, leur confiance et leur énergie sont palpables. Les morceaux s’enchaînent, malgré quelques moments de flottement révélateurs de leur jeunesse scénique. Mais cela n’entame en rien la qualité de leur prestation.

En plus de présenter leurs collaborations, les deux artistes alternent aussi pour interpréter leurs morceaux respectifs. Un bon moyen de comprendre les facettes qui composent le style de chacune. Avec Angie, on parle d’amour, on joue cartes sur table et on se la pète aussi. Tantôt on rappelle aux garçons de ne pas jouer avec nos sentiments sur « Méchant », tantôt on enchaîne avec une masterclass d’ego-trip sur « FM4X ». Le tout saupoudré de basses auxquelles même une hernie discale ne pourrait résister. Lazuli fait quant à elle briller ses origines sud-américaines avec un savant mélange de reggaeton, baile funk et dancehall, comme sur le délicieux « Toketa » ou le brûlant « Shake It ».

« Dans la vie on est copines, et là, on a l’impression d’être en soirée avec nos potes », confient-elles en riant. Cette ambiance de fête entre ami·es transparaît tout au long de leur set. Généreuses et proches de leur public, elles invitent les plus téméraires à les rejoindre sur scène pour danser sur « Casse ton Dos », dont vous pouvez devinez la notice. La soirée se conclut en beauté avec leur désormais incontournable « Booty Applaudit », mettant un point final parfait à ce début de soirée débridé et libérateur.

JOANNA − Puissante vulnérabilité 

Depuis son premier opus, Sérotonine, dans lequel elle raconte une histoire d’amour des débuts passionnés à la rupture, la chanteuse rennaise aux airs de sirène Joanna n'a cessé d'envoûter la scène musicale. Fin 2023, elle revient avec WHERE’S THE LIGHT, un album intime qui explore les vertiges de la perte d'identité et de la solitude, mixant pop électronique, techno, rock et textes puissants.

C’est aux alentours de 21 heures que Joanna démarre sa prestation. Dans un premier temps, seule sa voix et un jeu de lumière signalent sa présence. Lorsqu'elle apparaît sur scène, le silence qui tient l'audience en apnée se dissipe pour laisser place à des applaudissements. C’est sur le titre éponyme à l’album « WHERE’S THE LIGHT » que l’artiste a choisi d’entamer ce concert. Cette ballade hypnotique, mêlant sa voix cristalline à une instrumentale planante, crée une atmosphère particulière dans la salle. On semble un peu sonné·es par ce qui se joue devant nous.

En délaissant sa chevelure orange, jusqu'alors sa signature, l’évolution est palpable. Portée par son groupe et pleine d’assurance, elle poursuit son hypnose au Museum pendant que le public scande les refrains de ses nouveaux morceaux « APOCALYPSE », « MÉTA DEUIL » et les très appréciés « Démons » et « Séduction ». Pour ma part, je reste très marquée par son interprétation de « CE N’EST PAS SI GRAVE », un morceau poignant sur la résilience face au viol, au sujet duquel elle confie : « J’ai toujours peur de chanter ce titre sur scène. Je ne sais ni ce que je vais ressentir moi-même, ni si ça peut bousculer certain·es ici. » Une mise à nu saluée par le public, qui saisit la sincérité et le courage de la démarche. Tout aussi émue par les retours et les applaudissements, elle poursuit avec « JE NE SUIS PAS UN OBJET », un titre club fait pour danser et aller de l’avant ; une très belle réponse au titre précédent.

Presque gênée et flattée par les applaudissements de la salle, elle clôt sa prestation par le morceau « CHER ÉGO », une invitation à se défaire de sa propre toxicité. Absolument bouleversante et enchanteresse, la performance de Joanna s’achève à l’opposé de l’ouverture : avec force, fougue et liberté. À l’instar de ce second opus, véritable voyage émotionnel entre ombres menaçantes et lumière, elle semble définitivement sortie de sa chrysalide.

En quittant la scène, Joanna laisse derrière elle une salle envoûtée, prouvant une fois de plus que sa musique a le pouvoir de toucher les âmes et de marquer les esprits. Une artiste à suivre de très près, car son étoile ne fait que commencer à briller.

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