Camping du lac d'Éléonore Saintagnan
Promenade en eaux troubles
Et si le monstre du Loch Ness avait un cousin breton ? La plasticienne et réalisatrice franco-belge, Éléonore Saintagnan, nous invite au Camping du lac : un conte fantastique qui pose un regard sensible sur nos croyances et nos certitudes.
« Le destin a décidé de me faire atterrir en plein milieu de la Bretagne ». Suite à la panne de son auto, Éléonore Saintagnan n’a d’autres choix que de loger au Camping du lac. Elle est captivée, dès son arrivée, par la légende du coin selon laquelle un poisson géant capable d’exaucer les vœux nagerait dans cette vaste étendue d’eau. De jour en jour, les dix habitants qui vivent au camping à l’année lui expriment leurs opinions divergentes vis-à-vis de la créature mythologique, jusqu’à ce que la quiétude des mobil-homes soit troublée par l’arrivée des soldats et des touristes.
Aucune péripétie n’est bouleversée par le personnage d’Éléonore Saintagnan, prêtant uniquement ses yeux au spectateur. Par contre, sa voix de narratrice nous raconte ses impressions, à la première personne, et nous décrit avec bienveillance les autres personnages. Camping du lac se veut avant tout contemplatif, comme le montre la mise en avant de scènes banales du quotidien. La caméra se promène de bungalow en bungalow, donnant de l’importance à chaque détail, à chaque vie.
Justement, le scénario semble insister sur la diversité de croyances relatives à cet être imaginaire. Il y a ceux qui voudraient éliminer le monstre, il y a cet enfant qui en a peur. Il y a ceux qui vénèrent le gardien du lac et il y a même cette femme qui entre en transe. La créature apparaît peu à peu comme l’allégorie du fait religieux que chacun interprète à sa guise : « Personne n’avait jamais prouvé qu’il existait, mais personne n’avait prouvé qu’il n’existait pas non plus. » Elle est d’ailleurs présentée durant une messe catholique comme le poisson miraculeux de la légende de saint Corentin.
Un film qui traite ainsi du rêve, du cauchemar, ou en tous cas de l'imaginaire, doit être soutenu par une superbe photographie. Ici, la caméra toujours statique capture chaque détail avec un sens délicat des couleurs, des reflets et des jeux de lumière. On profite particulièrement des nombreuses images du lac, à l’aube ou au crépuscule, suggérant que cette eau mystérieuse est un personnage qui prend vie.
Ponctué de quelques accords de banjo et des mélodies électroniques de Yannick Dupont, Camping du lac compte aussi plusieurs scènes muettes qui en disent long sur la relation toxique entre l’humain et la nature. Cette nature incomprise voire inquiétante, qu’on préfère chasser et assécher. Les paysages bretons permettent à la réalisatrice de porter sobrement un message critique envers le tourisme de masse et la gestion politique de notre environnement.
Vous pouvez plonger la tête la première dans cette histoire plus profonde qu’on peut le croire. Camping du lac est une douceur bien réfléchie qui donne envie de découvrir les autres créations d’Éléonore Saintagnan.