Je te promets est un thriller scénique, signé par Matthieu Donck et Jasmina Douieb , construit sous forme d’un huis clos insidieux où la vérité tente de percer, en vain…
Rideaux fermés. J’aurais voulu te dire « je te crois », mais quelque chose m’en empêchait et je m’en voulais. Là, dans le noir, tu avais récité tes derniers mots, les faits étaient restés en suspens, mais la vérité ne s’était pas révélée. Étais-tu fou ? Était-ce bien Karim le coupable ? Avais-tu quelque chose à te reprocher ? Je te promets est un spectacle qui m’a montré à quel point le langage a le pouvoir d’embrouiller en insinuant une multitude de questions restant sans réponses. Sans m’en rendre compte, j’ai perdu le fil, les repères et pourtant, tu m’as touchée, au point de vouloir te dire « oui, je te crois ».
Je te promets , c’est l’histoire d’une rencontre. Celle de Thierry, nouveau petit ami d’Hélène, et d’un vieux groupe d’amis dont celle-ci fait partie. Ils se retrouvent tous quelques jours dans la maison familiale de Karim (l’un d’entre eux) située au cœur des Ardennes belges, en pleine nature, pour partager et y parler du bon vieux temps. Un soir, Thierry fait une insomnie. Ce même soir, un drame se produit : un jeune migrant est percuté par une voiture et s’ensuit un délit de fuite. Thierry est sûr d’avoir vu Karim prendre la voiture ce soir-là, mais personne ne veut l’entendre.
Je te promets , c’est l’histoire d’une enquête. La pièce débute sur un interrogatoire qui reviendra de manière ponctuelle tout au long du spectacle. Projetée sur le mur arrière de la scène, la vidéo se focalise sur le visage de Thierry, parfois sur celui de la garde forestière, chargée de mener l’enquête. Y transparaissent oppressions et injustices. Chaque détail y est remis en question et parfois de manière stéréotypée. En effet, Thierry est noir et la garde forestière fait par exemple acte de racisme en incluant ce fait dans son discours. Plus globalement, ces dialogues sont l’occasion de prendre du recul sur les faits et posent la question de l’importance de la prise en compte de ses intuitions et de l’affirmation de soi dans un groupe.
Je te promets , c’est l’histoire d’un groupe et de son adversaire. Dès le départ, Thierry ne se sent pas appartenir à ce groupe. L’humour de Karim sur sa couleur de peau transpire le racisme et les liens qu’entretiennent ses amis entre eux sont licencieux. Et malgré le fait que celui-ci essaye de verbaliser son malaise à celle qui l’a amené ici, il se retrouve pris au piège dans cette dynamique de groupe, mais surtout… il décide de rester. Ce spectacle est un huis clos où Thierry se retrouve seul face à un groupe, soudé par une amitié qui les rend fraternels et cela même face à l’impensable. Il n’est pas question de connaitre la vérité, mais de respecter le pacte du non-dit, du secret.
Jérémie Zagba interprète le rôle de Thierry avec brio . Sa santé mentale se dégrade tout au long de cette pièce où personne n’entend ses inquiétudes quant à Karim et tout son corps d’acteur le figure. Il joue également différents sentiments dans différents espaces temporels puisque dans cette pièce, on passe de l’interrogatoire sous forme de vidéo à des souvenirs du séjour, ou encore à des apartés interprétés sur scène. Cette pièce plonge d’ailleurs le spectateur avant tout dans une atmosphère plutôt qu’un texte. La musique aide énormément à renforcer ce ressenti puisqu’elle souligne la tension présente sur scène. L’une d’entre elles revient d’ailleurs plusieurs fois, comme une petite voix exprimant que quelque chose dysfonctionne.
La scénographie quant à elle représente une maison, ses pièces ainsi que ses alentours. On est parfois à l’intérieur, dans la salle à manger ou dans la chambre, parfois à l’extérieur, sur le pas de la porte ou près du garage. Les éléments du décor tournent, le recto pouvant devenir le verso et ainsi, ajouter de nouveaux horizons sans alourdir la scène. Les jeux de lumière et d’ombre permettent de faire transparaitre l’intimité ou la collectivité, la distinction entre les rapports qu’on entretient avec soi-même, à deux ou en groupe. Il y a un véritable jeu par rapport à ce qui se perçoit ou non, de ce qui se dit ou non et surtout… comment !
Je te promets prouve que le genre du thriller à sa place sur une scène de théâtre . Pas besoin d’effets spéciaux élaborés : une lumière peut clignoter, une musique peut angoisser, les décors peuvent se noircir et l’acteur peut disjoncter. Oui, le spectacle vivant peut également faire trembler… Cette représentation tient en haleine tout comme elle dépeint nos manières d’agir en groupe. Là est tout la force de Je te promets : il relie question et ressenti, ce qui manque énormément à certains films de thriller où le spectacle prend parfois le dessus sur le sens.