L'année culturelle 2023
selon Lorent Corbeel
Cette année, c’est toute l’équipe d’Indications et Karoo qui vous livre ses musts culturels de l’année écoulée. Lorent Corbeel, rédacteur en chef, nous livre ses coups de cœur, ses miracles, ses épiphanies…
Trois concerts m’ont marqué cette année. D’abord et avant tout, celui d’Iceboy Violet durant les Nuits Botanique, dans une rotonde à peine remplie à moitié. Pourtant l’artiste est sans aucun doute ce qu’il donné d’entendre et de voir de plus intense en 2023. Ensuite Avalanche Kaito, peut-être âpre à découvrir sur album, mais qui offre une expérience scénique mémorable, tectonique des plaques éclair, énergie maximale, bonheur complet. Enfin, l’inénarrable William Basinski, dont la musique récente, d’erreur et d’obsession, convenait parfaitement à l’église Notre-Dame de Laeken. Bref, en 2023, Punk’s not dead!
À écouter chez soi, je commence par mon très cher beau-frère, Vincent Thekal, qui signe avec Fabian Fiorini l’une des meilleures plaques de jazz de l’année. Leur Monk’s Mood interprète le maître avec autant de respect que d’originalité, de quoi convertir les plus réfractaires. Jonnine, Kara Jackson et John Roseboro (respectivement avec Maritz, Why Does the Earth Give Us People to Love? et Johnny) entérine cette année ce miracle permanent que constitue la chanson(nette) : simple, délicate, singulière, lumineuse. Et puis parmi tant d’autres albums qui m’ont plus, la liste étant trop longue, je ne sais pourquoi j’ai envie de relever celui de KAT7, Motherboard. Peut-être parce que j’ai envie de danser avec vous ?
J’ai très peu lu de littérature contemporaine au cours des douze derniers mois, plongé dans ma bibliothèque proustienne et les romans-feuilletons de Lerouge, ou encore à la poursuite de Fantômas. Je me rends compte que ce n’est donc pas un hasard si j’ai tant pris mon pied à lire Les Éclats de Brett Easton Ellis. Non seulement parce que chacun de ses livres m’emporte, à tort ou à raison, mais aussi parce qu’il signe ici son roman le plus proustien et le plus empreint de littérature populaire. Ses années 80 en disent long sur ce que nous vivons aujourd’hui.
Vous allez penser que je me sers de cette rétrospective pour faire de la retape pour mon entourage, mais rien n’est plus faux : j’ai juste la chance de connaître Camille Picquot, selon moi l’une des plus talentueuses photographes à voir cette année sous nos cieux. Son expo blisful asphalt à la galerie Été 78 m’a convaincu que malgré ou grâce à l’omniprésence des images, certaines d’entre elles produisent encore des épiphanies, précieux diamants parmi tant verroterie.
Côté séries, j’ai pris énormément de plaisir à la transposition magistrale de la Chute de la maison Usher ; un pied intégral avec Copenhagen Cowboy ; une grimpette au rideau avec le Consultant ; une solide baffe avec Swarm ; un orgasme apothéotique avec la dernière saison de Succession. Elles me consolent d’une année où j’ai vu peu de films qui m’ont intéressé, même si je suspecte que Paysage à la main invisible soit un grand film passé inaperçu.
Laissant le meilleur pour la fin, j’ai adoré la rétrospective que le Louisiana Museum of Modern Art a consacré cet été à Magnús Kjartansson. Son travail sur l’épuisement (ou pas) de l’émotion musicale, en particulier. Et puis le Louisiana… quand même !