critique &
création culturelle

Pairi Daeza & Colleen aux Nuits Botanique

Du paradis au purgatoire

Parmi les Nuits Botanique 2024, celle du 1er mai proposait de découvrir les Bruxellois de Pairi Daeza, avant de retrouver Colleen, magicienne française de l'électronique. 

Ce 1er mai, on a vu Paeri Daeza en concert aux Nuits Botanique et c’était formidable.

Mais disons-le d’abord, on ne venait pas pour eux : c’était bien entendu Colleen qui rassemblait la plupart des personnes présentes dans la Rotonde ce soir-là. Active depuis plus de vingt ans, cette exploratrice de la musique électronique nous a déjà offert des albums et des concerts mémorables, et nous étions impatients de découvrir comment elle allait transposer son dernier opus, Le jour et la nuit du réel. Avouons-le, il ne nous avait pas particulièrement marqué à sa sortie il y a quelques mois, mais les concerts de Colleen peuvent être enthousiasmants, alors nous étions là, présents au rendez-vous !

Or il y avait d’abord ces sacrés Pairi Daeza, un duo composé de Nadia (du groupe Hochiwa, que je ne connaissais pas) et de Quentin (membre de Dhavali Giri et de Maibaum, jamais écouté auparavant non plus). Nous étions donc dans l’inconnu, puisque rien n’est encore sorti sous ce nom à part un célèbre concept de néo-zoo qui dit toute la tristesse du rapport à la nature que beaucoup entretiennent aujourd’hui. Curieux tout de même avant de se rendre au concert, découvrir leur Insta nous indiquait que la nature, la vraie, ce duo l’aime à coup sûr, autant que de la faire résonner en musique d’une même force organique.

C’est d’ailleurs ce qu’on retient de ce soir-là : une énergie ouverte, colorée, positive, variée, surprenante… Comme sur une rivière ou dans une forêt de sons, nous voilà tantôt en balade, tantôt en observation, à l’affût de ce qui se joue devant nous, émerveillés plus que surpris devant une ligne mélodique par ici, portés par un rythme chaleureux par là-bas, flottant constamment dans une joyeuse piscine sonore dont nous ne sortirons qu’à contrecœur.

Simplicité, plaisir à jouer qui offre un plaisir à écouter et à entendre, confiance dans leur son et dans leurs compositions mâtinées d’improvisations : voilà deux musiciens bien installés, ancrés dans leur pratique, jouant une musique qui leur ressemble, qui leur est naturelle. Pour preuve, la difficulté à séparer qui fait quoi, sinon à signaler que Nadia taquine plutôt la basse et chante, tandis que Quentin pianote, bidouille et souffle. Mais enfin, la fusion opère et c’est un corps qui joue : Pairi Daeza.

Bien sûr, tout cela n’est pas très radio-compatible, et vous ne les entendrez probablement que sur Campus ou Panik, mais n’est-ce pas justement la preuve que Pairi Daeza est bien de son époque. Cette fusion bigarrée, indéfinie si l’on se réfère à des genres bien précis, mais bien définie par contre en termes de valeurs musicales, d’harmonie, de groove, de mélodies joliment touffues. Bref, Pairi Daeza a conquis nos oreilles et nos cœurs, et c’est avec impatience qu’on attend d’assister à leur concert du 23 juin au Brass à l’occasion de la fête de la musique, et avec plus d’impatience encore d’écouter un album annoncé cet automne.

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On avait donc les oreilles grandes ouvertes pour accueillir Colleen, dont on apprécie depuis longtemps les expérimentations sonores. On s’attendait néanmoins, après avoir écouté son dernier album, Le jour et la nuit du réel, à plonger dans quelque chose de plus tendu et minimaliste. Et de fait, ce fut tendu et minimaliste, mais sous doute pas comme on l’espérait – après tout, on adore cette recette-là. Malheureusement, c’est surtout Colleen qui nous a semblé tendue, tout au long d’un set dont elle dira elle-même qu’elle ne le maitrise pas encore. Et paradoxalement pour de la musique dite électronique, chaque note transpirait la nervosité, voire l’inconfort. On se dit alors qu’on aimerait la revoir quelques shows plus loin, sans toutefois se persuader que cet album-ci constitue son œuvre la plus intéressante. (Et de s’en vouloir d’écrire ces lignes à propos d’une artiste qu’on apprécie tant.)

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