Past Lives de Celine Song
et ils vécurent heureux… ?
Avec Past Lives, nommé cinq fois aux Golden Globes 2024, Celine Song signe un premier long-métrage d’une douceur inouïe, dont la force réside dans sa sobriété, son réalisme et ses incroyables performances.
Le synopsis est on ne peut plus simple : Nora et Hae Sung, deux amis d’enfance, reconnectent 24 ans après que la famille de Nora ait immigré au Canada. Se confrontent alors leurs choix de vie, Nora ayant migré vers l’Amérique et Hae Sung étant resté à Séoul, et les personnes qu’iels sont devenu·es. La simplicité de cette intrigue permet de mettre en lumière la complexité de ses personnages et de leurs liens. Après tout, la complexité de l’être humain se suffit à elle-même.
Hae Sung: If you had never left Seoul, would I still have looked for you?
Celine Song explore ainsi les thématiques universelles des choix de vie et la place du destin, notamment dans les relations amoureuses. Avec une mise en perspective du premier amour, idéaliste et naïf, par rapport au pragmatisme de l’amour à l’âge adulte, la réalisatrice canado-sud-coréenne met en avant l’importance des circonstances dans nos décisions de vie. Mille facteurs entrent en compte dans une relation amoureuse : les questions de timing, de carrière, de localisation, d’argent, etc. Les conditions pratiques influencent nos choix de partenaires, sans pour autant amoindrir l’amour qui se crée.
Nora: Getting married is hard for idealistic people like you.
Le propos du film se veut donc beaucoup plus réaliste que les clichés que nous servent généralement les comédies romantiques, celles qui prônent l’amour inconditionnel, celles où coup de foudre, poursuite à l’aéroport, abandon de carrière, passion, grande déclaration d’amour sous la pluie semblent être les ingrédients de l’amour ultime. Ici, l’amour quotidien et pragmatique, représenté par la relation entre Nora et son mari Arthur, est tout aussi beau que l’amour de jeunesse, ou l’amour non-concrétisé. Le film montre avec brio comment une rencontre, même si elle n’a pas pu aboutir à une relation, peut nous impacter et rester présente en nous. Un élément parfaitement illustré dans la relation entre Nora et Hae Sung, marquée par l’attachement culturel et linguistique.
Arthur: You dream in a language I can't understand. It's like there's this whole place inside you I can't go.
Avec une réalisation ancrée dans la contemplation, Celine Song préfère les longues séquences aux cuts à répétition. Des moments souvent baignés d’une lumière chaude et naturelle. La caméra englobe généralement tous les personnages à l’écran, permettant aux spectateur·ices de s’immerger complètement dans leurs échanges, parfois silencieux durant plusieurs minutes. En effet, au lieu des grandes confessions et déclarations d’amour stéréotypées, ce sont les non-dits qui construisent les relations de Nora et Hae Sung, et de Nora et Arthur, rendant encore plus forts les passages où iels parviennent enfin à se dire ce qu’iels ont sur le cœur. Le trio d’acteur·ices (Greta Lee, Teo Yoo et John Magaro) excelle dans ce jeu empreint de langueur, de mélancolie et de tendresse. L’actrice Greta Lee a d’ailleurs été nommée pour le prix de la Meilleure actrice au Golden Globes 2024.
Hae Sung: I liked you for who you are; and who you are is a person who leaves. But for him, you're the person who stays.
Inspirée de sa propre histoire, Celine Song porte un drame à la fois rempli de délicatesse et de dureté, proposant une très belle observation des relations amoureuses et des regrets que nous portons en nous. Past Lives est à découvrir en salle depuis le 20 décembre.