Le livre que je ne voulais pas écrire de Erwan Larher
Un livre un extrait (10)
Un livre, un extrait, un commentaire : Karoo vous propose un autre regard sur les livres ! Aujourd’hui Le livre que je ne voulais pas écrire de Erwan Lahrer.
Si ce roman d’Erwan Larher est celui qu’il « ne voulait pas écrire », il s’agit également de celui que je ne voulais pas lire. Après les attentats dont la France et la Belgique ont été témoin en 2015 et 2016, une sensation de trop-plein a suivi, surtout au vu des récupérations racistes et nationalistes du sujet, notamment par certain·e·s politicien·ne·s. Au milieu de tout ça, Le livre que je ne voulais pas écrire est tombé comme un OLNI (objet littéraire non identifié) : parlant de l’attentat du Bataclan, puisque Larher relate directement son expérience de victime dans cet événement dramatique, mais aussi en racontant tout autre chose. Ce roman se concentre surtout sur les états d’esprits d’un homme dont la vie a basculé et sur lequel on veut faire peser un statut de symbole.
Lahrer raconte le bouleversement que représente cet événement qui, à peine arrivée, ne lui appartenait plus, comme l’illustrent les nombreuses interruptions du récit par des chapitres « vus de l’extérieur ». Il relate,, de façon désordonnée, cette fameuse soirée, les semaines qui ont suivi, et la remise en question de son rapport à l’écriture. Ce changement, on le vit avec lui, grâce à des pauses dans l’histoire qui permettent d’afficher des élément du réel (statuts Facebook, messages d’amis, etc.) mais surtout grâce à l’écriture franche, drôle parfois, et à la narration qui oscille entre le je et le tu .
Je suis Sigolène, je suis un caillou je suis Sigolène se suis un caillou je suis Sigolène se suis un caillou. Transe ? Dépersonnalisation ? Déréalisation ? Le silence qui commence à craqueler te fait sortir de cet état second. Un silence épouvantable, épais, visqueux, jusqu’alors seulement vrillé de loin en loin par une sonnerie ou un vrombissement de téléphone, qui lui donnaient plus d’épaisseur encore, en délimitaient les contours, le rythmaient, en étaient la macabre concrétisation. […]
Putain, on est sauvés !
Relâchement total. Tu n’es plus Sigolène, tu n’es plus un caillou, retour progressif au réel, au sol dur, à l’inconfort de ta situation, tu as mal, tu es engourdi et ankylosé, une poigne plaque toujours derrière toi tes jambes au sol, qui s’affermit alors que tu essaies de bouger un peu. Pas grave, on est sauvés.
En fait, c’est le début de ton calvaire.