Workshop LE 75
Une semaine pour créer à partir d’un spectacle !
Dans le cadre d’une collaboration entre le Théâtre National et l’école d’art LE 75, des élèves de deuxième année de bachelier en graphisme ont suivi un workshop de cinq jours à l'issue duquel ils ont créé à partir du spectacle La Décision. Retour sur cette semaine surprenante et enrichissante, autant pour les élèves que les personnes observatrices de leur travail.
Une semaine pour créer à partir d’une pièce de théâtre : c’est le défi qui a été lancé aux étudiants et aux étudiantes de deuxième année de bachelier en graphisme de l’École Supérieur des Arts de l’image LE 75. En collaboration avec le Théâtre National, ceux-ci ont assisté à une représentation du spectacle La Décision, Les enfants du monde à venir et s’en sont inspirés pour créer un projet sous la forme qu’ils souhaitaient. En sont ressortis des univers en trois dimensions de futurs jeux vidéo, des sculptures de stations spatiales ou des vaisseaux, mais aussi une planche de BD ou encore des films courts d’animation.
Pour rappel, cette pièce de théâtre représente le quotidien de dix enfants dans un monde apocalyptique. Ils vivent à l’abri, dans un endroit restreint à l’allure d’un bunker, avec comme seul référent parental un humanoïde. La consigne donnée aux étudiants et aux étudiantes a été d’imaginer l’espace extérieur au lieu de vie des enfants, celui-ci n’étant pas accessible au public visuellement. « Où se situe ce bunker ? », c’est donc la grande question à partir de laquelle les projets ont éclos, une question large qui permettait aux dix-neuf élèves présents de créer singulièrement.
J’ai assisté à trois jours de ce workshop et ce qui m’a le plus marquée, c’est l’audace des élèves. La plupart d’entre eux ont pratiqué des formes artistiques avec lesquelles ils n’étaient pas familiarisés. Adrien a par exemple décidé de dessiner une planche de BD construite comme un avant-propos de la pièce. Selon lui, La Décision développe un univers atypique que le genre narratif et illustratif de la BD peut particulièrement retransmettre. Bien que lecteur régulier de BD, c’est la première fois qu’il se lançait de l’élaboration personnelle de l’une d’entre elles.
Pareil pour Justine : durant l’atelier, elle a conçu une vidéo mettant en scène l’extérieur et l’intérieur d’une station spatiale en forme de note de musique. Lorsqu’elle m’a invitée à découvrir son projet fini, elle m’a proposé d’enfiler son casque et de m’asseoir devant son PC : j’ai alors été immergée dans un véritable univers spatial, la prise de vue étant celle de quelqu’un observant la station à l’intérieur puis à l’extérieur, le tout souligné d’un travail sonore atmosphérique. J’étais impressionnée quand elle m’a annoncé que c’était la première fois qu’elle créait une vidéo comme celle-ci et surtout qu’elle avait appris à utiliser le programme, lui permettant d’arriver à cet aboutissement, spécialement pour l’atelier.
Qui dit monde de l’avenir, dit genre de la science-fiction et son imaginaire, notamment celui du vaisseau spatial. Quatre d’entre eux ont imaginé le leur à partir de ce que leur avait inspiré l’univers de La Décision. D’un côté de la table, Noa dessine le plan de son vaisseau en partant des lignes et des courbes d’une trompette. La musique, omniprésente dans le spectacle, a influencé la particularité de son projet. De son côté, Charel dispose des tas de petits objets de bricolage : des clous, des entretoises, des punaises, des piquets courts permettant de garder les plantes droites. Son but : agencer l’ensemble des pièces en un vaisseau spatial, et recouvrir ensuite le tout de peinture aluminium.
À une autre table, Hugo me confie que son vaisseau est né d’une intuition : sans suivre aucun plan, il a réutilisé les LEGO de son frère, ceux des voitures de police, des avions, tout ce qui répondait à l’esthétique de la pièce et du genre de la science-fiction. D’ailleurs, il a notamment fait allusion aux couleurs, rouge et blanc, des costumes des personnages.
Justyna a, elle, pris comme base un passage du texte de la pièce : « Mais oui. Comme les phalènes. Elles naissent chenille, avec des pattes, des organes, une bouche, elle marche, elle mange, marche, mange, etc jusqu’au jour où elle s’arrête. Elle trouve une branche ou une feuille. Elle s’enveloppe dans un cocon de protéines. Et là, magie, elle se dissout. La chenille se désintègre en une matière visqueuse. » Son projet a donc été de créer un vaisseau sous forme de cocon. Pour cela, elle a suivi le plan d’une lampe dont l’esthétique ressemblait à celle d’un cocon de chenille. Elle m’explique que son projet a une vision symbolique : il met en avant la dimension du changement. En effet, dans la pièce, lorsque l’humanoïde ne fonctionne plus, les enfants sont amenés à se débrouiller seuls face à l’adversité de leur monde actuel, ils sont nécessairement amenés à devenir responsables. À l’image de cet aspect du spectacle, son vaisseau cocon symbolise la larve devenant papillon.
Une semaine pour créer à partir d’une pièce de théâtre : c’est le défi qui a été lancé aux étudiants et aux étudiantes de deuxième année de bachelier en graphisme de l’École Supérieur des Arts de l’image LE 75. Un défi réussi : en cinq jours sont nés des histoires, des univers et des objets matériels. Partant pourtant de la même œuvre, chaque élève a proposé un projet à partir de sa propre sensibilité. Chacun à bord de son vaisseau créatif, ils ont ensemble inspiré l’imaginaire du monde dépeint dans le spectacle La Décision de Vincent Hennebicq.