Brûler-danser de Lisette Lombé et Cloé du Trèfle
Reconquête slam et électro-pop
Le festival Francofaune se faisait, lundi dernier, la rampe de lancement de l’album Brûler-danser de Lisette Lombé et Cloé du Trèfle. Joli accord de slam et de musique électronique, Brûler-danser nous invite à danser avec ardeur pour réinvoquer nos vies.
Le festival Francofaune, festival de musique francophone en tout genre, était l’occasion, lundi dernier, de croiser en chair et en os au 140 notre future poétesse nationale, Lisette Lombé. Elle inaugurait lors d’une release party l'album Brûler-danser, co-réalisé avec l’autrice, compositrice et interprète Cloé du Trèfle, qu’elle avait rencontré aux Fleurs du Slam.
Brûler-danser commence par la narration intense du match de foot entre le PSG et le FC Barcelone en 2017 pour la Ligue des champions : 4-0 pour les parisiens au match aller, un match gagné d’avance donc, sauf que les Catalans font une impressionnante remontada lors du match de retour et l’emportent finalement. Où veut-elle en venir ? Lisette Lombé fait la liste des mots intégrés dans le dictionnaire Larousse en 2021 à côté de « remontada » : « influenceur », « hyperprésidence », « ultra-droite », « dégagisme », « flexibilisation », « Black block » et « féminicide » ‒ la musique baisse en intensité à ce dernier mot. J’ai des frissons rien qu’à entendre tous ces mots les uns à la suite des autres ; une machine à remonter le temps. Une partie de notre présent aussi. Le cadre est posé pour le il était une fois de cette histoire ou plutôt « elle était une fois ». Elle, c’est Remontada et comme son prénom l’indique, son histoire est celle d’une reconquête. Un combat pour se sentir en vie, brûler à nouveau.
Comme un clin d’oeil à son recueil de poésie Brûler brûler brûler, Brûler-danser parle d’injustice, de lutte, mais surtout de vie, de réveil, et de l’envie de se battre post-ère Covid pour retrouver le feu de l’existence, pour contrer un engourdissement que Remontada n’avait pas quand elle avait vingt ans. La force de cette œuvre, c’est justement la puissance et la présence de sa slameuse, qui est toujours aussi ancrée dans son corps et dans ses mots ; on ne peut que l’admirer.
Tout ça se fait sur une musique électronique qui accompagne le texte, intense avec de fortes basses quand Lombé scande et danse, mais aussi douce avec une prédominance de piano dans des moments plus émouvants. Ce n’est pas la première fois que Cloé du Trèfle travaille avec une slameuse, puisqu’elle a collaboré avec l’incroyable Marie Darah sur son spectacle Depuis que tu n’as pas tiré, qui alliait également une narration-slam épique sur une musique lancinante.
Un bon moment donc, avec deux artistes qui n’ont rien à (me) prouver. L'histoire de Remontada parle ‒ qui n’a jamais eu envie de brûler à nouveau, de remonter une pente ? ‒ et l’indétermination du personnage (on sait qu’elle a la quarantaine, mais c’est presque la seule information sur elle que l’on nous donne) permet à n’importe qui de se projeter sur cette rage de vivre.
J’ai toutefois l’impression que la forme se cherche : la release party concerne l’album mais c’est un spectacle de slam que je vois sur scène (je suis assise sur un siège et pas debout comme dans une salle de concert). Petite déception, même si les artistes nous invitent à venir danser sur scène à la fin du spectacle. C’est seulement de retour à la maison qu’en écoutant les pistes au casque, dans les parties moins narrées, que j’ai vraiment l’impression de trouver le rythme de la musique de Cloé du Trèfle et de pouvoir danser dessus.
Une jolie collaboration tout de même, et un festival qui a toute sa raison d’être, à savoir découvrir des projets hybrides, de nouvelles manières d’inventer, d’expérimenter la musique francophone.