La Peste est l’adaptation au théâtre du roman éponyme de Camus par le metteur en scène Fabrice Gardin. Une adaptation qui met en avant le texte, sans prendre de risques. (Re)découverte d’un classique de la littérature française.
Oran, dans les années 1940. Alors que ses habitants se donnent à leurs habitudes, des rats commencent à surgir de nulle part et progressivement envahissent la ville. Ce qui était une anecdote devient inquiétant ; en parallèle, certains habitants commencent à tousser, avoir de la fièvre, puis viennent les premiers morts. Le médecin de la ville, le docteur Rieux, est persuadé de reconnaître les symptômes, mais les officiels ne veulent pas admettre qu’une épidémie est déclenchée et que la maladie que l’on croyait avoir disparu est revenue : la peste. La ville est finalement mise en quarantaine, mais peu d’effectifs sont présents pour endiguer le fléau. Pourtant, quelques personnages vont petit à petit se mobiliser pour aider le docteur, malgré le risque de contamination.
L'interprétation de La Peste la plus courante comprend la maladie qui frappe Oran comme une métaphore du nazisme et les villageois se mobilisants avec le docteur comme des Résistants. En outre, le roman est une réflexion sur ce qui donne sens à la vie des hommes. Le metteur en scène, Fabrice Gardin, déclare que La Peste « nous permet de nous interroger sur notre époque, tant le texte d’Albert Camus nous invite à comparer les faits et la montée du populisme des années 1930 avec notre actualité ». Le parallèle, néanmoins, n’est présent que dans le prospectus de la pièce, car rien ne laisse à penser que le metteur en scène ait voulu faire un quelconque rapprochement dans son adaptation. Le décor est assez neutre ‒ une structure angulaire et blanche qui se referme par des portes coulissantes pour séparer les scènes, mais aussi pour refléter la situation de confinement des personnages. Celle-ci pourrait faire penser à un décor intemporel, qui s’adapterait à toutes les époques, mais les costumes des comédiens sont clairement datés des années 1940, et rien dans la mise en scène ne nous tire vers le présent. Il en revient au spectateur d’aller lui-même plus loin en réfléchissant au parallèles possibles entre notre époque et celle de la pièce.
Malgré cela, la pièce est bien huilée, le jeu agréable à regarder, le texte gagne à être découvert ou redécouvert. Ce dernier propose une belle réflexion sur les raisons des hommes à agir pour le bien collectif, à s’engager ou non, malgré les risques, malgré le bonheur que l’on pourrait connaître en agissant pour son propre bien. Il y a un aspect héroïque à La Peste : les personnages qui ne voulaient pas aider se convertissent un à un ; Jean Tarrou avoue à Rieux vouloir être un saint, les personnages débitent des phrases édifiantes à la pelle. Et avec tout cela, il faut encore rester humble, à l’image du docteur, dont la femme se meurt en dehors d’Oran, mais ne se plaint pas. Une chose que l’on pourrait reprocher à Camus dans ce récit presque chevaleresque de grands hommes, c’est qu’il n’y a justement que des hommes ‒ les femmes ne peuvent-elles donc pas être héroïques, ne peuvent-elles pas organiser une résistance ? Bien au contraire, mais il faut pourtant noter que la pièce est unanimement masculine et que les femmes évoquées sont au loin, et très peu importantes. Le docteur Rieux, même si sa femme est mourante, ne pense pas une seule fois à essayer de quitter illégalement la ville… S’il est difficile de reprocher cela à Camus qui écrit sa pièce dans les années 1940, il en est autrement pour les metteurs en scène d’aujourd’hui. L’adaptation est fidèle, mais n’arrive pas à s’engager plus avant. Une pièce destinée donc à ceux qui veulent (re)découvrir un classique de la littérature.