Au-delà des références 80’s,
Stranger Things
est aussi (et surtout)
une excellente métaphore 
du pouvoir de l’imagination.
Tabassé par l’argument qui s’obstine à ne retenir de Stranger Things que l’hommage qu’il propose au cinéma des années quatre-vingt, je n’avais pas d’autre choix que d’entamer la série avec cette idée. Et en effet, c’est évident. D’ailleurs, les comparatifs n’ont pas tardé à fleurir sur internet, et celui-ci est particulièrement intéressant :

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Mais outre ses qualités esthétiques et référentielles indéniables, la série offre aussi une réflexion sur la réminiscence de l’enfance chez l’adulte.

Stranger Things construit en effet son récit autour du rapport entre l’imaginaire et le réel1. Elle valorise en quelque sorte la force créative propre à l’enfance2 et, parallèlement, met en garde contre la transgression de ce qui devrait rester à l’état de rêve ; finalement, l’apparition du danger fantastique dans le monde réel est le résultat d’un excès provoqué par un adulte, en l’occurrence un scientifique3, le docteur Martin Brenner.

Poussé par une colère patriotique, Brenner parvient à dépasser les lois de la science et crée une arme inédite : Eleven. Dépassé par son irrépressible besoin de forcer son imaginaire à devenir réel, il déstabilise alors un équilibre. Ainsi, pendant que les enfants jouent et s’amusent à imaginer moult récits ludiques et fantastiques, l’adulte, désormais capable de réaliser ses rêves d’antan, oublie qu’il existe des limites à ne pas franchir entre le désir et sa réalisation.

Eleven est quant à elle une sorte de dépôt de fantasmes, un recueil de désirs inassouvis ; son père, éconduit par son irrépressible envie de réaliser l’impossible, lui impose un poids qu’elle n’a jamais voulu traîner. Enfant, elle possède toutes les capacités créatives pour formaliser les désirs de son père. Elle devient alors un catalyseur, un outil de transposition4.

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Le monstre et le monde parallèle dans lequel il évolue sont ainsi les métaphores d’un déséquilibre, les conséquences d’un fantasme hors normes et ingérable. Attiré par le sang, il provoque une distorsion qui mêle brièvement le réel des protagonistes à un univers parallèle, inadapté aux êtres humains. Par anticipation, il est le représentant de tout ce que l’arme créée par le docteur Brenner pourrait engendrer une fois terminée : le sang, la peur et la mort.

En voulant forcer l’imaginaire à exister, l’homme crée sa propre destruction ; le monstre est l’image de ce qui va lui nuire, il est le reflet de son remords, qui envahit sa vision du monde. Stranger Things démontre donc avec savoir-faire et nostalgie qu’il est souvent nécessaire de ne pas succomber à tous les fantasmes, histoire d’éviter certains dommages collatéraux, parfois irréversibles.

En savoir plus...

Stranger Things

Réalisé par Matt et Ross Duffer
Avec Winona Ryder, Millie Bobby Brown, Finn Wolfhard et David Harbour
États-Unis, 2016
8 épisodes de 40 minutes.


  1. L’une de ses lignes directrices est d’ailleurs cette idée de frontière, dont la symbolique est constamment convoquée. 

  2. Pensons à cette scène du premier épisode où les quatre gamins sont absorbés par leur jeu de table et qu’ils créent de toute pièce et au fur et à mesure les aventures de leurs personnages. 

  3. La science naturelle est en quelque sorte une discipline qui favorise le développement de la créativité. Élaborer des hypothèses et expérimenter sont deux activités qui bousculent l’ordre établi et réarrangent le réel connu. 

  4. Les nombreux sourires du docteur Brenner, lorsqu’il observe les réactions de la jeune fille, trahissent d’ailleurs son excitation.