critique &
création culturelle
L’en vert de nos corps
La botanique au sens littéraire

La Belge Christine Van Acker glane les mots et les plantes dans son nouvel ouvrage L’en vert de nos corps . Un savant mélange d’observation et d’érudition, le tout habillé d’un écrin de langue qui érige le potager et le monde végétal au rang de sujet poétique.

Si comme moi vous ne connaissiez pas encore Christine Van Acker, et que, comme moi, vous allez adorer L’en vert de nos corps , vous aimeriez en savoir un peu plus sur l’écrivaine. Sauf qu’un peu de recherche s’impose pour dénicher une biographie de la Belge Christine Van Acker. La notice biographique de son nouvel ouvrage ne mentionne pas un parcours, mais une description biologique de l’auteure, à l’image du contenu du livre : « L’auteur de ce livre est un organisme vivant pluricellulaire, bipède, à reproduction sexuée, de l’ordre vertébrés. » On finit par trouver qu’elle s’adonne à divers genres littéraires (dont le théâtre, le roman et la poésie). Elle travaille aussi en collaboration avec la RTBF, qui diffuse ses fictions sur ses antennes. L’auteure avait par ailleurs diffusé six épisodes radiophoniques sur le thème du monde végétal , sous le même nom que ce livre, quelques années auparavant .

Mais revenons à ce que j’ai nommé « ouvrage ». Le livre, qui se distingue d’emblée de manière poétique avec son titre-calembour, dépasse les frontières de genres. En effet, la collection dans laquelle est publié L’en vert , « La tortue de Zénon », veut que se réunissent les mondes de la science et de la littérature ; ce qui explique le caractère hybride du livre, entre description esthétique, réflexion philosophique, voire de la vulgarisation. Le livre est structuré en sections de quelques pages, et les sujets vont de l’évolution d’un potager à la biographie de Carl von Linné, inventeur de la taxonomie moderne. On parcourt tout aussi bien ce que les hommes ont pu dire du monde végétal dans la fiction (histoires pour enfants, mythologie, légendes) que les recherches scientifiques, ou encore l’actualité (l’interdiction du glyphosate, les bombes de graines). Jamais ennuyeuse, Christine Van Acker sait doser son érudition et son écriture rigoureuse avec des scènes prosaïques, de légumes poussant dans un jardin par exemple. Avec son style élégant, l’auteure élève les habitants du potager comme des personnages dignes de la poésie, et, par conséquent, dignes de notre regard et de notre considération.

Comme ces livres qui exigent de nous une immersion profonde pour arriver à comprendre toutes les subtilités dont ils sont les passeurs, le potager se lit du bout des doigts, ligne par ligne.

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Les vidéos, en vitesse accélérée, de l’éclosion des graines au paroxysme des floraisons, nous écartent de la voie des longs moments d’observation méditative qui auraient le mérite de nous apporter l’espérance d’un transport jusqu’à leurs coeurs. Si les animaux sont les maîtres de l’espace, les plantes sont les maîtres du temps , écrit Francis Hallé .

Chaque chapitre est complété en vis-à-vis par une poignée de citations d’auteurs, où se mélangent des extraits d’essais sur le monde végétal avec des poèmes et autres passages d’oeuvres littéraires. Ces citations nous invitent à pousser la réflexion plus loin, à aller à la découverte des ces auteurs qui se sont intéressés à la partie du monde vivant que l’on connaît le moins.

Si l’on parcours une nuée de citations d’auteurs de toutes les époques, et de toutes les disciplines, il ne reste pas moins que l’on reste bien ancrés dans le présent, avec le constat que l’on connaît bien : « Il n’est jamais bon pour le moral de se savoir en fin de cycle. Nous les humains lucides du XXI e siècle, nous en savons quelque chose. » Des commentaires sur la permaculture (« La permaculture, à l’époque de nos aïeux, comment se serait-elle appelée ? »), sur le glyphosate et les dernières découvertes sur les systèmes de communication des arbres entre eux, nous ramènent vers notre époque, vers le présent. Le livre nous tend subtilement des oeillères pour voir le monde des plantes avec plus d’attention, de tendresse et de curiosité.

Même rédacteur·ice :

L’en vert de nos corps

Christine Van Acker
L’arbre de Diane, 2020
232 pages