critique &
création culturelle
Bota(chro)nique
Une salle, deux ambiances

Ce 29 avril, Babysolo33 et ELOI partageaient l’affiche à l’occasion des Nuits botanique . Au programme du Grand Salon : deux univers distincts, à la fois forts et vulnérables, des sonorités pop, trap et hyperpop sur fond de textes intimes et de la sensibilité à revendre.

BabySolo33, paillettes et catharsis

Originaire de la religion bordelaise, Babysolo33 (« BBS » pour les intimes) a été biberonnée à la musique pop des années 2000 et à la chanson italienne. Plus tard, elle découvre l’autotune graĉe à PNL, Hamza et Trippie Red et s’ouvre à de nouveaux horizons musicaux. C’est ainsi que se forme petit à petit le personnage du bébé solitaire, entre pop et rap, mélancolie et euphorie, chant vocodé et instrus avant-gardistes.
Ce n’est que récemment, au cours de l’interminable dernier mois de janvier, priant pour une éclaircie et quelques degrés celsius en plus, que je fais sa découverte. Ses morceaux « Ta Shawty » et « Balayette » me sortent de la torpeur hivernale et l’originalité de la proposition me séduit instantanément. Munie de beaucoup de curiosité (et d’un peu d’excitation) , je me rends au Grand Salon pour voir si le charme opère également en vrai.

« No matter what I do, all I think about is you » , c’est avec ce refrain iconique que BBS fait patienter son public avant d’entonner son dilemme à elle, « NellyKelly » . Une belle entrée en matière qui se poursuit avec un show reflétant pleinement l’univers qu’elle a créé : une esthétique 2KY, à la frontière de l’hyper pop, de la trap et de l’émo-rap, saupoudré de paillettes et de nostalgie. Si je déplore l'absence du scooter qui l’accompagne parfois sur scène, je me dois d’admettre qu’elle se suffit à elle-même. D’une part, des productions variées et riches en inspirations, de l’autre, sa plume rappelant le phrasé d’un journal intime, font résonner quelque chose de particulier dans la salle. Picorant dans son répertoire, elle offre une prestation alternant morceaux mélancoliques comme le planant « MiniSkirtJean » (qui ouvre son EP SadBaby Confessions ), et d’autres plus entraînants tels que « LnlyBby » et « FDP » ou encore l’audacieux « LilWitch ». Tout y passe, la solidarité entre amies, le goût des jolies choses, le mépris de la gent masculine mêlé à un fantasme pour les bad boys impassibles. Autant de thématiques familières à tout un chacun, que BabySolo traite avec une vulnérabilité singulière. Gênée et flattée par les applaudissements de la salle, elle clôturera sa jolie prestation par un rappel sur le morceau « Lecon2Princess » . De quoi boucler la boucle et faire défiler les titres du teen movie faussement naïf qu’elle aura projeté pour nous.

ELOI , ovni et fière de l’être

Un court entracte et une mousse blanche plus tard, je regagne la salle pour la seconde partie de la soirée avec ELOI . Originaire de la banlieue parisienne, la chanteuse grandit dans une famille de musicien·nes et commence son parcours par dix ans de musique classique. Après avoir intégré les Arts Décos, elle se découvre une passion pour le genre électro et monte un duo où elle expérimente et façonne davantage sa vision. Aujourd’hui cavalière seule, elle conçoit elle-même tout son univers sonore et visuel. Je dois notre première rencontre à une fête où je ne voulais pas me rendre, sans laquelle je n’aurais peut-être pas entendu ‒ et shazamé ‒ le titre « Victoire ». Instru puissante, tempo rapide, synthé 80’s et un texte teinté de fatalité, il ne m’en fallait pas plus pour accrocher.

Avec deux EP au compteur, Acedia et Pyrale , ELOI incarne une certaine radicalité et un parfum de révolte. Pour donner le ton, l’entrée se fait sur « Flamme » . Ce morceau, traversé par le son puissant de l’orgue, plante le décor et nous plonge dans l’ambiance d’un thriller. Armée d’une guitare électrique étincelante, ELOI semble habitée par la musique et restitue parfois des textes à peine articulés, comme sur « Mauvais Sang ». Paroles énigmatiques, quelque peu odezeniennes, dans une ambiance club alternatif, tel est le concept. Avec l’assurance d’une grande, elle hypnotise la salle qui scande le refrain de « Soleil Mort » à tue-tête  : « La tête dans le caisson, le cœur plein de questions ». Je reste aussi très marquée par la cover de « Jtm de ouf » pour ce qui se dégage dans salle à ce moment-là : une énergie palpable et un lâcher prise absolu. Sa prestation se termine comme elle a commencé, sans crainte, avec fougue et intensité. Quant à moi, je n’aurais peut-être pas tout saisi des paroles ou des subtilités un brin trop niche, mais j’aurai dansé librement, et c’est probablement ce qui compte le plus.

La saison des festivals approchant, vous pourrez retrouver les deux artistes aux Paradis Artificiels , ainsi qu’au Weekend des curiosités , sans oublier l’incontournable DOUR . Nul doute qu’un long chemin s'offre à BabySolo33 et ELOI et que nous les reverrons bientôt dans nos salles préférées.
D’ici là, plongez vous dans leur univers grâce à la musique, dédiez une page de votre journal intime à vos émois et prenez le temps de danser jusqu’à en perdre haleine, ce n’est jamais de trop.

SadBaby Confessions
De BabySolo33
Jeune à Jamais, 2022
28 minutes

Pyrale
De ELOI
Novembre Éternel – Nadsat, 2022
13 minutes

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