La dernière fois que nous avons parlé de l’Atelier de Création Sonore et Radiophonique, c’était pour présenter une fiction radiophonique jeune public, Au rythme endiablé de la bomba . Aujourd’hui, la comédienne Marine Bestel nous emmène dans un road-trip féministe, Perfecto .
L’histoire commence au claquement des portières de la voiture de Monique, quinquagénaire sympathique rodée à l’exercice du co-voiturage, au départ de Lille. Sa passagère s’appelle Virginia, elle a la moitié de son âge et surtout des idées bien arrêtées en matière de féminisme. Un débat assez animé commence entre les deux femmes, duquel Virginia s’échappe parfois en pensées et en rêveries. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance d’un cochon sauvage progressiste et plein de sagesse, qui s’est battu pour le droit à l’avortement et que les gens viennent trouver pour lui poser des questions existentielles. Plus loin sur la route vers le sud, Monique décide d’embarquer Pierre l’auto-stoppeur dans leur périple, l ’occasion de continuer l’échange de points de vue. D’autres rebondissements viendront perturber leur voyage, mais rien n’arrêtera la réflexion féministe de Virginia.
Il est facile de plonger dans ce road-trip sonore grâce aux très bons comédiens et à l’ambiance apportée par les sons de la route ou ceux des différents univers qui se mêlent aux idées de Virginia : la forêt où vit le cochon sauvage, un exposé sur les Amazones, un ring de boxe… On voyage d’une idée à l’autre, d’un incident à l’autre au rythme des pensées de Virginia. Le format se prête d’ailleurs tout à fait à ce genre d’histoire, car l’absence d’image permet de réfléchir sans distraction aux différents discours qui s’entrecroisent.
Le sujet de cette histoire est à mes yeux un peu délicat à traiter : je suis une femme, féministe, déterminée à aider à faire changer les choses, ce qui fait que je ne me reconnais pas du tout dans le discours de Monique… mais pas non plus dans celui de Virginia. C’est une femme très engagée qui veut se faire entendre et presque à tout prix éduquer les gens, changer les mentalités des personnes qu’elle rencontre.
“Voilà, non mais ça ira jamais, ça ira jamais. Donc pour toi c’est ni un courant de pensée, ni un mouvement que tu situes historiquement, non. Alors, les anarchistes de la Commune de Paris si ils ont des seins, ok, ça va, mais des féministes au 21e siècle, des femmes qui réfléchissent, non ça va, y a pas… Déjà “des femmes toujours en colère”, ça sort d’où, t’as peur de quoi, t’as peur des Amazones avec un seul sein qui viennent dévorer les hommes c’est ça ?”
C’est ici que nos avis diffèrent : il ne me viendrait pas à l’idée d’avoir ce genre de débat avec des inconnu(e)s, encore moins si je vais passer de longues heures avec eux enfermée dans un petit habitacle. Les débats stériles sont épuisants et ne mènent à rien. J’étais donc un peu mal à l’aise en écoutant l’histoire, sensation aussi bien provoquée par l’avis de Monique que par les idées parfois radicales de Virginia. Cela dit, le discours de la fiction ne va pas que dans le sens d’un féminisme dynamique et revendicateur, puisque ni Monique ni Pierre ne se laissent vraiment faire et que le cochon sauvage aide Virginia à relativiser son propos. En effet, c’est dans la morale d’une campeuse puis du cochon sauvage que je me retrouve :
« Y a pas un seul chemin pour être une femme libre, y en a mille ». « C’est ça, Virginia : pas une seule voix, mille ». Perfecto met donc en dialogue plusieurs points de vue sur le féminisme qui se nuancent, permettant ainsi à l’auditeur de remettre en question sa propre vision sur cet enjeu sociétal.