Les Frères K de David James Duncan
D’une simplicité complexe
Le second roman de David James Duncan, Les Frères K, est enfin paru en poche chez les sublimes éditions Monsieur Toussaint Louverture. Un auteur hors pair, dans les pas de Dostoïevski, philosophe et romancier admirable, et metteur en scène d’un récit de vie émouvant.
Les Frères K, c’est l’histoire de Kincaid Chance. Cadet d’un quatuor fraternel, il raconte son adolescence pendant les années 1960 américaines. Sa mère, au passé tourmenté, s’est réfugiée chez les adventistes, un groupe religieux séculaire qui attend le retour du Christ avant l’an 2000. Son père, quant à lui, un athée fini, est passionné de baseball. C’est lorsqu’il se casse le pouce et qu’il est contraint d’arrêter de jouer que l’histoire commence.
Vous avez mûri, voilà ce que je veux dire. Vous êtes plus indépendants aussi. Par exemple, vous avez compris que les religions posaient des problèmes, de sérieux problèmes. En particulier celle de votre mère.
Cet épisode du pouce entraîne une vague de remises en question de la foi qui plane sur la famille. Everett, l’étudiant rebelle, devient un orateur brillamment insolent ; Peter découvre le bouddhisme et édifie seul les valeurs qui le guident ; Irwin renforce son attachement à l’Église adventiste et s’y adonne corps et âme. Alors que la fratrie s’étiole, Kincaid, bien que narrateur, s’efface derrière le doute qui le ronge. À la fin du roman, on s’étonne d’ailleurs d’en avoir si peu appris sur lui.
Personnellement, je ne suis sûr ni de qui Il est ni de ce qu’Il est. Je Lui adresse encore une prière en cas de besoin, mais faut dire que j’ai déjà tendance à parler tout seul – et je suis de moins en moins convaincu que ça fasse une différence.
Le récit prend un tournant lorsque la grand-mère meurt à côté de ses deux petites filles, petites sœurs de Kincaid qui affirment alors leurs opinions religieuses. L’une rejoint le camp de sa mère et d’Irwin, l’autre celui du père et de la grand-mère, cette dernière ayant été adoratrice de Darwin. Alors s’embrase la Guerre des Psaumes, une bataille qui enrôle tous les membres de la famille déchirée et qui va les séparer pendant de nombreuses années.
Le récit prend un tournant lorsque la grand-mère meurt à côté de ses deux petites filles, petites sœurs de Kincaid qui affirment alors leurs opinions religieuses. L’une rejoint le camp de sa mère et d’Irwin, l’autre celui du père et de la grand-mère, cette dernière ayant été adoratrice de Darwin. Alors s’embrase la Guerre des Psaumes, une bataille qui enrôle tous les membres de la famille déchirée et qui va les séparer pendant de nombreuses années.
Rien de tel qu’un peu de papotage progressiste pour vous ruiner une ambiance gothique flamboyant.
Le gros du roman est difficile à résumer, car trop intense et filé de raisonnements intarissables. Toutefois, le cadre temporel évoque la densité de l’intrigue : guerre froide, guerre du Vietnam, course spatiale, « l have a dream », Mai 68, crise des missiles, assassinat de Kennedy, etc. Un court extrait dans ces 800 pages est particulièrement touchant, car il a une résonance glaçante aujourd’hui :
Je vais vous dire, moi, ce qui inquiète les étudiants. Le Vietnam. La ségrégation raciale. La guerre froide et la course à l’armement. Parce que c’est ça, la violence. Ce sont les non-révolutionnaires, avec leur putain de statu quo, qui assassinent.
Les Frères K, c’est un large melting pot de points de vue, de conflits mais de croisements aussi. C’est un récit de vie, qui se centre sur les banales interrogations ontologiques qu’on s’est déjà tous posées, en y répondant de multiples manières, confrontant Platon à Jésus, Comte à Bouddha, Cicéron à Luther. Parmi toutes les opinions, seul Kincaid arrive à effleurer la raison, car il ne répond à rien. Il continue à se poser la seule question qui l’obsède : qui est Dieu ?
K (ka) verbe, K-er, K-é. […] 11. En résumé (et comme Jésus K-rist l’a si clairement affirmé), se perdre soi-même, afin de : 12. Devenir quelqu’un d’autre, et que ce soit, ironie du sort : 13. la seule manière de sauver sa peau.