critique &
création culturelle

PERIOD² d'Héloïse Brézillon

L’appel de lendemains vivants

Avec PERIOD², Héloïse Brézillon questionne notre rapport problématique aux autres-qu’humains. Son livre offre une poésie de la transformation qui permet à notre regard de s’émerveiller à nouveau.

Par la fenêtre, des animaux passent. À chaque passage, une nouvelle période commence. Mais les animaux passent de moins en moins souvent. Alors les périodes s’allongent, ne se renouvèlent que trop rarement. PERIOD², intelligence artificielle, effectue ses calculs probabilistes pour aider l’humanité à passer à une autre période.

« si l’on dit que période est égale à fenêtre sur dehors divisée par temps n’ayant pas de racine carrée alors on obtient la délimitation des périodes à chaque fois que l’on rencontre un autre-qu’humain par une fenêtre »

Héloïse Brézillon, sur chacune des pages, trace le fragment d’un récit transformateur. L’histoire d’une humanité qui, en prise avec une crise de la biodiversité et un bouleversement climatique, a perdu son lien au vivant, à tous ces autres-qu’humains autrefois quotidiens. S’ensuit une stagnation, de laquelle, tant bien que mal, l’humanité cherche à se libérer. L’outil artificiel qu’est PERIOD² pose des chiffres sur le réel fictionnel. Une sorte de réflexion mathématique qui cherche à objectiver la perte et le ralentissement, et à prévoir la probabilité de l’arrivée d’une nouvelle période.

« mon travail à moi est de comprendre comment PERIOD² calcule qu’il n’y a que 3,28 % de probabilité que nous passions collectivement à une autre période »

Le livre, paragraphe après paragraphe, nous emporte dans un univers poétique où le chagrin, la perte, rendent visibles les autres-qu’humains. La perception ainsi bifurque, s’éloigne de l’anthropocentrisme, et permet de contempler araignées, renards, choucas des tours, élans sauvages et autres vivants. L’écriture nous en rapproche alors, au travers de cette incursion sauvage ou férale dans notre environnement anthropique.

« il y a eu […] la période qui s’étend depuis le troupeau de marcassins jusqu’au grand-duc posé religieusement sur un talus, et la période qui s’étend depuis le grand-duc jusqu’au renard filant à travers la luzerne sous le halo des phares. »

La folie humaine, tournée au grotesque, se révèle aussi, dans ces tentatives de faire passer les périodes par tous les moyens, comme jeter des rats à l’aide de canon devant les fenêtres. Héloïse Brézillon dépeint ainsi une ambivalence ; un rapport utilitariste aux autres-qu’humains qui, petit à petit, se transforme en une forme d’hybridation, pour retrouver l’harmonie, pour que l’humain fasse partie intégrante de cette trame du vivant.

L’humanité est responsabilisée. La violence est crue, « les brouettes débordent de cadavres de chevreuils ». Mais « bien sûr aujourd’hui nous regrettons », alors un travail de longue haleine s’entame, d’abord maladaptatif, trouvant des solutions erronées, avant d’apprendre à se taire et à laisser place. La poésie et la puissance de PERIOD² se situent dans ces espaces de non-dits, ces respirations entre les pages, les images et pensées qui surgissent après coup, mais aussi dans tous ces dits : les détails mélancoliques, l’impression de fatalité, la nostalgie, l’espoir en germe, et par-dessus tout ces autres-qu’humains qui palpitent et redonnent vie pour offrir une nouvelle période nécessaire.

Même rédacteur·ice :

PERIOD², Héloïse Brézillon
Cambourakis (2025), 128 pages

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