This Is Pop
Les Boyz II Men, ça vous semble nul et gnan-gnan ? L’autotune, ça pue ? Vous vous êtes toujours demandé comment on est passé de ABBA à Britney Spears ? Le documentaire Netflix This Is Pop plonge au cœur de la musique populaire, à travers ses multiples dimensions et univers variés.
La plateforme de streaming Netflix est connue pour son vaste catalogue de films et de séries, mais également pour ses documentaires en tous genres : sur les animaux ( Notre Planète ), les tueurs en série ( Ted Bundy : autoportrait d’un tueur ), les stars interplanétaires ( Gaga : five foot two, Britney vs Spears ) , et, bien entendu, la musique. À côté de Hip Hop Evolution et Song Exploder , dans ma liste, il y avait This Is Pop . Une mini-série canadienne de 8 documentaires de 40 minutes dont la première saison est sortie cet été.
Loin de se contenter d’une hagiographie des plus grands groupes ayant contribué à l’histoire de la musique populaire (et non juste la petite sœur du rock’n roll, décriée par les fanatiques en blouson de cuir), les différents réalisateurs du projet actualisent les thématiques proposées en suivant la source d’une inspiration jusqu’à sa réalisation concrète dans les musiques d’aujourd’hui.
Chaque épisode offre sa propre identité visuelle et auditive : la série regroupe différents narrateurs pour différents univers, que ce soit la campagne anglaise où l’on retrouve le bassiste de Blur, ou le New York des années 60 au pied du Brill Building. On suit aussi des artistes, chanteurs ou producteurs, comme Hozier, T-Pain ou des producteurs suédois comme E-Type ou Laleh. La scénographie change donc à chaque épisode : certains se concentrent sur un seul groupe, d’autres sur un seul lieu emblématique du genre. Les images d’archives se mélangent aux interviews plus contemporaines, et l’interview de témoins le plus souvent directs permet de vraiment bien cerner les différentes problématiques proposées.Il est évident qu’on ne peut pas traiter un sujet de fond en comble en 40 minutes, mais cela suffit pour attiser la curiosité et pousser à faire plus de recherches sur un thème, et à se permettre d’écouter des musiques qu’on aurait moins appréciées à leur juste valeur.
J’ai d’ailleurs bien l’impression que ce documentaire s’adresse aux « voraces culturels »1 de l’ère d’Internet, aux habitués de l’immédiateté et de la facilité. L’idée est ici de se poser des questions au lieu de juste consommer de la musique « facilement ». Comprendre les mécanismes de création, le contexte, aller plus loin que les stéréotypes qu’on peut avoir envers la musique commerciale, toutes ces idées replacent la musique pop(ulaire) dans un cadre plus structuré. Bien sûr, il y aura toujours des productions purement commerciales qui surfent sur la vague, mais savoir d’où l’on vient est nécessaire, d’une part pour les acteurs culturels qui peuvent mieux comprendre leur public, et d’autre part pour les consommateurs qui se questionnent sur leurs goûts.
J’en veux pour preuve l’épisode « À quoi peut servir une chanson », qui explore les différentes forces de la musique. La volonté de combattre le pouvoir en place mène à la création du hip hop américain, celle d’unir une société et de renforcer les liens interpersonnels est au cœur de la musique folk. Le blues baigne dans le devoir de mémoire des afro-américains envers leurs ancêtres opprimés, et le besoin d’être représenté, d’exister aux yeux de la classe dominante est central pour les communautés autochtones du Canada, par exemple. Il n’est pas nécessaire de dévoiler le reste des pouvoirs de la musique ici, mais cette courte présentation démontre que le contexte est un élément essentiel à l’émergence de nouvelles formes d’expression, qui seront toujours décriées quoi qu’il advienne (ayons une pensée pour l’auto-tune, un logiciel pas si inintéressant que ça, finalement).
Pointons tout de même du doigt la vision nord-américaine du documentaire, qui fait cependant preuve d’une certaine ouverture d’esprit puisqu’il nous fait voyager en Suède, au Royaume Uni, et un peu partout aux États-Unis. Certes, il appuie l’hégémonie de la langue anglaise dans la culture de masse ; mais est-ce si grave, au fond, d’avoir une langue véhiculaire en musique ? Cela permet d’approcher d’autres cultures facilement, de mieux se comprendre en tant qu’êtres humains et surtout de constater que ce sont les mêmes forces qui nous animent, malgré des contextes différents. Cela dit, il serait intéressant que Netflix produise un documentaire sur des musiques d’autres pays et d’autres cultures (il existe déjà des documentaires sur la K-Pop), dans le même genre que This Is Pop , histoire d’aller encore plus loin dans le partage et la compréhension de la culture de l’autre.