critique &
création culturelle

Sébastien de Simone Bergmans

entreprise louable pour une historienne de l’art

Simone Bergmans, autrice belge du XXe siècle, aura manqué de voir son roman Sébastien réédité par Névrosée en 2022. Court mais peu rapide, le texte, qui introduit maladroitement à l’histoire de l’art, est resté oublié quelque temps, et mérite, malgré ses carences, un regard nouveau.

Pour ne pas traîner en tournures qui détournent : je n’ai pas aimé Sébastien . Je dois préciser que j’ai eu des difficultés à suivre le roman sur toute sa longueur. Il raconte le périple d’une historienne, la narratrice, qui visite les collections d’art de Monsieur d’Eifel dans son domaine de Wolfenburghaus en Allemagne. Intéressée par un des tableaux qui représente un éphèbe, elle explore l’histoire de la famille d’Eifel, à coups de rétrospections et d’échanges avec ses membres.

Lorsque notre fils est né, elle l’a appelé Sébastien, Didier est son second prénom. Personne dans ma famille ne s’est jamais appelé Sébastien, j’ai cédé à ce caprice ; quant à moi je l’ai toujours, comme tout le monde, appelé Didier.

Simone Bergmans est une écrivaine belge décédée dans les années 1970. À la fin de sa vie, une petite dizaine de livres sont signés de son nom. Elle est aussi la première femme, en 1923, à être diplômée à l’université de Gand, après des études d’histoire de l’art.

L’ouvrage est d’ailleurs en étroite relation avec l’histoire de l’art, du Portugal à l’Allemagne en passant par la France et même la Belgique. Cependant, l’histoire de l’art n’est pas le domaine qui me plaît le plus. Donc ma lecture en a évidemment été influencée. Même si je ne suis donc pas d’emblée le lecteur le plus pertinent pour ce sujet, l’autrice n’introduit pas sa passion de manière suffisamment pédagogue pour insuffler aux novices les plus réticents la curiosité nécessaire pour accrocher au récit.

J’entrai avec soulagement en ayant l’impression de sortir d’un aquarium à rebours. La pluie rend les gens silencieux comme elle fait taire les oiseaux, c’est un élément muet.

Malgré tout, la couverture de l’édition récente chez Névrosée qui présente un tableau de Khnopff, peintre symboliste belge, m’a plus parlé que les références moins imagées dispersées dans le texte. Et cette édition porte une entreprise louable. Tel que l’indique le nom de la collection, elle intervient dans une volonté de remettre en librairie des femmes oubliées, comme Simone Bergmans dont très peu se souviennent.

Cependant, concernant l’aspect poétique du style de Bergmans, la trame narrative s’attache à s’interrompre çà et là pour démontrer sa virtuosité indéniable. Sébastien est un exemple éloquent des liens entre description et poésie : les images récurrentes, associées aux répétitions sémantiques de mots astucieusement choisis instaurent une atmosphère qui m’a tout de même permis de m’identifier dans une dimension du roman.

La lenteur est aussi un pilier de la narration. Dans mes précédents articles, notamment celui sur Vivance ou celui sur Les Gratitudes , je me suis attaché à un regard élogieux sur le rythme doux de l’intrigue. Sébastien me semble moins parfait à ce niveau, parfois trop lent, voire lassant, et les liens sémantiques entre les termes, sur lesquels je reviens, m’ont semblé souvent trop évident ou pesant. La virtuosité de l’autrice ne m’a donc malheureusement pas convaincu à cent pour cent.

J’éprouve le sentiment de commettre un sacrilège lorsque je lis des correspondances lancées dans le domaine public après la mort de leur auteur. […] il y a des êtres qui n’y ont jamais pensé, qui se sont confiés à un être élu entre tous et qui, pour lui, se sont dépouillés de toute arme, de toute armure.

La prise de conscience de dizaines de banalités du quotidien, interrogées dans leurs fondements, pimente une lecture passive et propose aux lecteurs de vraiment comprendre comment il agit. Dans le cas de Sébastien , ces interrogations concernent l’art, sa représentation et son accès.

Le roman, finalement, m’a plu davantage pour sa forme que pour son fond, et en particulier pour les interludes qu’il a créés tout au long de son intrigue. Cette dernière pourtant m’a été plutôt inaccessible, principalement à cause de l’éloignement qui me sépare des thèmes et des problématiques traités.

Même rédacteur·ice :

 

Sébastien

Simone Bergmans

Éditions Névrosée, 2022

118 pages