Alors que la saison reprend enfin au théâtre Varia, la Compagnie Thor annonce l’été avec Summertime , sous l’impulsion de Thierry Smits. Une parenthèse bucolique et chaleureuse entre chorégraphie contemporaine rythmée et douceur musicalement champêtre.
Summertime : un titre clair et direct, évoquant d’emblée l’été, la chaleur, l’allégresse. Avec sa nouvelle chorégraphie qui célèbre les retours sur les devants de la scène, Thierry Smits prend le pari de la simplicité. La performance entend profiter de la réouverture estivale des théâtres pour ancrer l’entrée dans cette ère de renouveau et faire fi des longs mois d’enfermement, froids et solitaires. Fraîcheur et légèreté sont ainsi les mots d’ordre de cette création contemporaine. Légèreté d’ailleurs parfaitement représentée par la qualité frivole et aérienne des trois danseurs et des deux danseuses présents sur la scène du Grand Varia, mais aussi et surtout dans le message véhiculé par le spectacle. En une cinquantaine de minutes, la Compagnie Thor propose un lâcher-prise au profit d’une parenthèse estivale pleine d’une insouciance presque oubliée. L’espace d’un instant, on retrouve la douceur des rayons du soleil, celle envoûtante d'un contact sensuel ou encore celle, bucolique, d’une escapade campagnarde.
La grande force de Summertime tient dans ses ensembles. Énergiques, connectés, et particulièrement en phase, les cinq danseurs hypnotisent par leur prestation solaire. Comme des inconnus qui se seraient rencontrés lors d’un week-end d’été, ils miment la création de liens, la découverte de l’autre mais aussi celle de soi. Dans leurs confrontations, certaines exagérations et répétitions virent presque à l’autodérision, et l’énergie rayonnante qui se tisse spontanément entre chacun semble soutenir cette idée d’instant privilégié.
La narration réside également dans la lumière, chaude et vibrante, qui transmet sans conteste une atmosphère heureuse, soutenant cette idée de retrouvailles, de partage. Le soin particulier qui lui est apportée accentue l’ardeur et la vibration des corps qui se rencontrent et se séparent. Le tapis blanc sur lequel martèlent les corps des performeurs les englobe, réfléchissant la lumière et édifiant une sorte de bulle qui n’appartient qu’à eux.
Malgré la maîtrise des danseurs et danseuses, la vraie surprise s’incarne dans l’ensemble musical qui leur partage la scène : deux violons, une contrebasse, un clavier et une flûte viennent ainsi rythmer leurs rencontres. Les notes champêtres de The WIG Society Chamber Music Ensemble offrent une originalité particulière, provoquant un contraste entre une chorégraphie résolument moderne et une musique d’influence baroque. Le lien entre les deux propositions artistiques s’établit grâce à la création sonore de Jean-François Lejeune. Quelques interludes préenregistrés, plus électroniques, proposent ainsi des transitions, un peu dissonantes mais non dérangeantes, rompant le rythme installé à des moments inattendus.
Par leur présence scénique, les cinq musiciens démontrent une joie de vivre communicative, ne dissimulant ni leur plaisir de la scène, ni celui du moment partagé. Avec bienveillance et douceur, ils observent l’action se dérouler à côté d’eux. Ce regard extérieur peut par contre créer une distance, et ainsi déstabiliser les échanges entre les danseurs, qui deviennent, par comparaison, plus forcés. Cette impression est consolidée par la mise en scène qui sépare nettement les deux groupes de cinq, danseurs versus musiciens, excluant également le spectateur qui ne reste qu’un témoin distant de la bulle chaleureuse qui se déploie devant lui. L'énergie communicative des dix performeurs viendra pourtant titiller avec succès le public, réchauffé par le moment suspendu.