Tantôt, tantôt, tantôt de Virginie Poitrasson
Trois mêmes mots pour trois intonations
Tantôt, tantôt, tantôt, publié en 2023, est un recueil de poésie de Virginie Poitrasson. Elle y invite les lecteurs et les lectrices au cœur du ressenti de la peur grâce à un travail déstructuré de la forme de ses textes.
Tantôt, tantôt, tantôt est difficilement descriptible : c’est avant tout une expérience de lecture. On s’étonne très vite de ressentir le besoin de réciter à voix haute ce qui nous est confié pour saisir ce qui nous heurte. Avec ce livre, la lecture passive ne se satisfait pas : très vite, vivre les mots s’impose.
Il faut admettre que cet ouvrage est un peu en ébullition. Quand je le regarde maintenant, je l’imagine s’agiter et moi, essayer de le contenir. Puisqu’au cœur du recueil réside la peur, ce sentiment qui convoite toujours de nous envahir, de manière inattendue, aussi bien physiquement que psychiquement. C’est exactement vers cela que tendent les poèmes de Virginie Poitrasson.
Il y a cette peur, peur d’être absent, même au milieu d’un baiser, au bord du balcon, sur la pointe des pieds, peur d’être trop vite enterré, même en sautant à cloche-pied sous le soleil, en gravissant tout en suant l’escalier.
La structure de Tantôt, tantôt, tantôt est complexe : il est divisé en chapitres dont deux sont cités plusieurs fois : « Pluies de Météores » et « Conjurations ». Les poèmes sont titrés et, pour certains, fractionnés en parties numérotées. Tous ces mots semblent être disposés dans les cases précises d’un ensemble édité de façon millimétrée, une structure que j’ai constatée, mais que je n’ai pas réussi à éclaircir.
Le style de Virginie Poitrasson se caractérise par la diversité. Presque chaque poème a une forme qui lui est propre : elle n’hésite pas à jouer sur l'alignement, le choix de l’interligne, le choix de la police ainsi que sa taille. Ses textes prennent forme et cet aspect graphique représente une clé de compréhension.
Dans le même sens, sa manière d’écrire ne se limite pas : elle a recours à de nombreux procédés d’écriture. De l’extérieur, les poèmes donnent d’ailleurs l’impression d’être construits, non pas à partir de mots, mais de sensations. Virginie Poitrasson établit chacun de ceux-ci de manière singulière pour rendre compte au mieux des sensations liées à la peur.
[...] Je suis là, devant la porte, je veuxentrer, je pousse la porte, j’entre,j’entre par la porte, j'émerge de,l’embrasure, le champ s’agrandità mon passage, je passe, passe laporte d’entrée, ouverte, je vaisau-delà, j’avance au-delà, la porteest passée, je me tiens derrière là,porte, la porte entrouverte, j’attrapela poignée de porte, je veux sortir,je tire la porte, je passe la porte desortie, je la dépasse, je referme laporte, la porte se ferme, la porte,est close, je suis sortie, je suis ici.
La lecture de ce recueil est donc contrainte et ce qui est raconté, trouble. Toutefois, dans cet ensemble sensoriel, certaines phrases se distinguent et ce, peut-être parce qu’elles traitent de peurs qui nous sont un peu personnelles. Tantôt, tantôt, tantôt ne fait pas peur : il transcrit plutôt la cogitation intérieure des peurs, non pas instinctives, mais ancrées de manière presque primaire chez l’être humain.
C’est un recueil à la fois intellectualisé et en même temps sensible que Virginie Poitrasson nous livre, puisque malgré un contrôle de la forme, une agitation ne cesse de transpercer ses mots. Toutefois, beaucoup d’incompréhension restent.