critique &
création culturelle

    Sur ce chemin

    par Sebla Muhirwa

    Chaque fois qu'un homme a fait triompher la dignité de l'esprit, chaque fois qu'un homme a dit non à une tentative d'asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte.

    Frantz Fanon , Peaux noires, masques blancs

    Je n’ai pas de photos de l’instant d’avant. De celui qui précède l’évènement.
    Seuls mes yeux et mon cœur ont capturé cet instant-là.

    La veille, je tente de me renseigner un peu plus sur la manifestation en contactant un ami avec qui je coïncide d’habitude.
    Cette fois, pas.
    Il me déconseille d’y participer. Ses raisons, non dénuées de sens, ne pèsent pas assez face à celles qui me poussèrent à y aller.
    Ce ne fut pas facile de trouver le sommeil.

    Non, je n’ai pas de photos du moment d’avant.
    Ce mouvement. Cet instant parfait, excitant et apaisant à la fois, où tu sens que tu es là où tu dois être, que tu vas vers là où tu dois aller.
    Quand tout s’aligne.

    Sur mon vélo, je traverse Matonge pour rejoindre la place Poelaert où mon père se trouve déjà. Bien en face de la tribune, en hauteur.
    Seule, mais portée par Matonge qui se met en marche.
    Par les gens qui avancent au rythme de leur dignité.
    Les regards se croisent et se reconnaissent.
    Tellement pas seule.
    Fière.

    Je retrouve mon père qui m'aide à monter sur le muret à ses côtés. Ça donne le vertige car on est serré. Tout autour, la foule masquée.
    Je m'accroche comme je peux, je sors l'appareil et je disparais.

    D’un point de vue heureux et inquiet mais certainement convaincu de sa nécessité.
    De sa beauté.
    Apparaissent, alors, ces images du moment tant attendu et tant redouté.
    De la manifestation.

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