À partir de ces études, commence un travail de récit. Il ne s’agit pas de donner un sens à cet infini, mais d’en raconter les tensions et les romances ressenties, de mettre en évidence des relations qu’on croyait improbables. Confrontant les échelles, l’artiste compose sa propre histoire, cherche son chemin, se perdant volontiers dans les illusions qui sont données à voir.

Car, comme il le précise lui-même, il ne s’agit pas d’arriver à un but, mais plutôt d’arpenter un vaste chemin : « Le travail de ces pièces et ces formes s’apparente à une très longue marche dans la nature, où finalement je suis aspiré par le sol et je ne fais plus qu’un avec la roche. Mes poumons sont comme de la mousse autour des arbres et mes bras peuvent embrasser les montagnes, telles les branches d’un arbre gigantesque, pendant que mon esprit vole comme un hibou dans la nuit au dessus des collines. »

En choisissant de se positionner — aussi bien physiquement que mentalement — au bord de ce gouffre infini, et comme l’évoque le titre de l’exposition, face au chaos, on pourrait penser que l’artiste se met dans une situation inconfortable et angoissante. Il n’en est rien. Le chemin qu’arpente Arnaud Sprimont est serein ; les compositions qu’il crée, bien qu’ayant un aspect brut et primaire – comme nous l’offre souvent le spectacle de la nature – sont solides et compactes. L’utilisation de deux couleurs uniques et opposées dans la création des différentes pièces de ce travail, illustre l’acceptation de l’artiste d’à la fois côtoyer la profondeur de la nuit noire — synonyme de secrets — et celle de la lumière blanche — renvoyant à la connaissance.

Et même s’il constate se trouver face à des secrets difficilement pénétrables, cette immensité ne l’effraie pas. Arnaud Sprimont trace son chemin dans la nature, dans sa nature, et par ses créations il raconte la géologie de son propre corps, trouvant sa place dans une matière en perpétuelle transformation.