Salut l’amie,

Avec un train de retard et un avion raté, j’étais de passage à Paris, au cimetière du Père-Lachaise. Évidemment pour toi qui es partie te dorer la pilule, ça ne paraît pas très folichon…

Oscar Wilde, Colette, Balzac, Apollinaire, ils sont là, et d’autres grands noms. Mais elle est bien dérisoire cette gloire posthume, j’avais surtout l’impression de marcher sur des os.

J’ai remarqué une tombe toute verte, avec deux gisants sculptés.

Imagine deux hommes barbus étendus côte à côte, la tête légèrement en arrière. Les épaules dénudées, ils sont recouverts d’un linceul. Les pieds de l’un dépassent du drap. Imagine cette image, en relief et en bronze. Vert de gris.

Et sur leur pierre il est écrit :

CATASTROPHE DU BALLON LE ZÉNITH, 15 AVRIL 1875

CROCE-SPINELLI et SIVEL
MORTS À 8600 MÈTRES DE HAUTEUR

En m’approchant, j’ai découvert qu’ils se donnent la main, pour l’éternité. Très émouvant.

Ils voulaient battre leur propre record, aller toujours plus loin, toujours plus haut. On voit où ça les a menés. Finalement, je ne regrette pas d’avoir manqué l’avion…

Allez, bonnes vacances, rendez-vous bientôt au détour d’une rivière ou devant un camion de glaces. Et comme disait Pierre Desproges, qui lui aussi repose dans un coin du Père-Lachaise : « Vivons heureux en attendant la mort ! »

Marilou